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Depuis le Brexit, un lent découplage économique entre l’Irlande et le Royaume-Uni

Le « Celine », en provenance de Bruges (Belgique), à l’entrée du port de Dublin, en janvier 2018. KEVIN HORGAN

Du bureau d’Eamonn O’Reilly, la vue s’étend sur l’ensemble du port de marchandises de Dublin, avec ses grues, ses containers et ses énormes navires. Sur la gauche, un grand hangar bleu domine. « C’était autrefois un entrepôt, mais les douanes y sont maintenant installées », explique le directeur du port de la capitale irlandaise.

Jusqu’à fin 2020, très peu de contrôles de marchandises étaient opérés au port de Dublin. Sur 1,5 million de conteneurs et semi-remorques importés chaque année, seuls 200 000 provenaient de pays hors de l’Union européenne (UE). Le Brexit a tout chamboulé.

Depuis le 1er janvier 2021, le Royaume-Uni n’est plus dans le marché unique. « On doit maintenant en contrôler la majorité », explique M. O’Reilly. Les douanes sont partout : outre ce hangar, plusieurs larges parcelles de terrain sont réservées aux différents contrôles, depuis les kiosques pour la vérification des papiers jusqu’aux « scanners » à camion, qui permettent de repérer d’éventuelles marchandises frauduleuses. Après un peu plus d’un an à ce régime, M. O’Reilly résume à sa façon le Brexit : « Quel bazar ! »

Le port de Dublin est un fascinant résumé de la profonde réorganisation économique provoquée par la sortie des Britanniques de l’UE. En un an, la quantité totale de marchandises arrivant dans la capitale irlandaise est restée à peu près stable, avec un léger recul de 4 %. En revanche, les flux ne sont plus du tout les mêmes : « Avant le Brexit, les deux tiers des marchandises venaient de Grande-Bretagne et un tiers de l’UE ; désormais, on est à moitié-moitié. » De nombreuses entreprises préfèrent désormais contourner la Grande-Bretagne, envoyant des bateaux directement de France, de Belgique ou des Pays-Bas jusqu’à l’Irlande.

Un « pont terrestre » désormais incertain

Avec un soupir, M. O’Reilly se rappelle la quasi-disparition des douanes lors du lancement du marché unique, en 1993. « C’était les Britanniques eux-mêmes qui avaient poussé à sa création. » Cela a permis le développement du « pont terrestre » britannique : les camions arrivaient chargés de marchandises à Calais (Pas-de-Calais), montaient sur des bateaux, en descendaient à Douvres puis roulaient à travers la Grande-Bretagne jusqu’au port de Liverpool ou d’Holyhead, dans le nord du Pays de Galles, et reprenaient un bateau jusqu’à Dublin ou Belfast. Le système était rapide et bien rodé.

Désormais, ce chemin s’est compliqué, puisqu’il signifie un passage hors du marché unique européen. Trop incertain, ont conclu de nombreuses entreprises. Progressivement, celles-ci ont séparé leurs chaînes d’approvisionnement britannique et irlandaise. Les supermarchés Lidl fournissent un bon exemple. Avant le Brexit, ils desservaient à la fois les magasins irlandais et britanniques. Aujourd’hui, l’Irlande a son propre approvisionnement.

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