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Une Iranienne de 17 ans assassinée par son mari, nouvelle victime des « crimes d’honneur »

Un portrait de Mona Heidari diffusé sur Twitter après son assassinat, le 5 février 2022. TWITTER

Le jeune homme pose fièrement, sourire aux lèvres, devant la caméra qui le filme déambulant dans une rue d’Ahvaz, dans le sud-ouest de l’Iran. Dans sa main droite, un long couteau qu’il tient nonchalamment. Dans sa main gauche, la tête de sa femme, âgée de 17 ans, qu’il vient de décapiter. L’insoutenable vidéo, publiée sur YouTube et relayée par l’agence de presse Rokna samedi 5 février, met en images l’horreur et la brutalité banalisées d’une violence endémique envers les femmes iraniennes.

L’histoire de Mona (Ghazal) Heidari ressemble à celle de milliers d’autres. Selon le Women Committee NCRI, un comité de défense des femmes iraniennes, elle avait été mariée de force à 12 ans à son cousin, Sajjad Heidari. En Iran, la loi autorise le mariage des filles dès 13 ans, voire plus tôt dans certains cas, si le père en fait la demande. Près de 9 750 filles, âgées de 10 à 14 ans, seraient concernées par des mariages précoces dans le pays, selon L’Orient-Le Jour, qui rappelle que ces unions forcées ont augmenté de 30 % au deuxième trimestre 2021 par rapport à l’année précédente.

Mona Heidari, victime de violences conjugales depuis des années, avait fui en Turquie il y a quelques mois pour échapper à son mari, avant d’en revenir il y a quelques jours. C’est ce voyage, « à l’insu de son mari et sans sa permission », qui aurait provoqué le meurtre, selon le journal Etemad. Les médias iraniens ne délivrent pas tous la même version des raisons qui ont motivé le retour en Iran de la jeune femme, mère d’un enfant de 3 ans. Mais tous s’accordent à dire qu’elle a rejoint la longue liste des victimes de « crime d’honneur ».

« Aucune peur des lois existantes »

Ces meurtres, perpétrés par des hommes sur des femmes de leur famille pour les punir d’avoir « jeté le discrédit » sur leurs proches, sont nombreux en Iran. Les femmes qui en sont victimes ont refusé de se marier de force, ont été victimes de viol, ont divorcé, ont tenté de quitter leur mari ou ont eu des relations avec un autre homme que leur époux.

En 2020, la revue The Lancet notait que 20 % des meurtres et 50 % des meurtres familiaux en Azerbaïdjan oriental, une province du nord de l’Iran, étaient des « crimes d’honneur ». Selon la revue, 8 000 meurtres de cette nature ont été commis en Iran entre 2010 et 2014. Le quotidien iranien Sharq donnait, en 2019, des chiffres oscillant entre 375 et 450 par an.

La loi iranienne est régulièrement dénoncée comme étant l’institutionnalisation de la misogynie et de la culture patriarcale du pays

« La construction sociale de l’honneur en tant que système de valeurs, norme ou tradition est la principale justification des violences perpétrées contre les femmes », écrit The Lancet. La loi iranienne est, en effet, régulièrement dénoncée comme étant l’institutionnalisation de la misogynie et de la culture patriarcale du pays. « Dans certaines régions du pays où le système patriarcal et tribal règne, des hommes frappent brutalement leurs femmes, filles ou sœurs sans avoir aucune peur des lois existantes », relève Hamchahri, la publication de la mairie de Téhéran, traduite par Courrier international.

En vertu du code pénal islamique, un homme peut, par exemple, tuer son épouse et son amant s’il les surprend « en flagrant délit d’adultère ». Un père, considéré comme « propriétaire » du sang de ses enfants, ne sera pas non plus puni de la peine de mort, comme le prévoit pourtant la loi du Talion, s’il tue l’un de ses enfants.

Pour les défenseurs des droits de l’homme et des droits des femmes, ces lois sont à l’origine d’un sentiment d’impunité dont jouissent de nombreux hommes, et le terreau de crimes dont les femmes sont les principales victimes. « Les autorités n’ont pas pris de mesures pour mettre un terme à l’impunité des hommes qui tuent leur femme ou leur fille ni pour faire en sorte qu’ils soient sanctionnés à hauteur de la gravité de leur crime », souligne ainsi Amnesty International dans son dernier rapport.

Vague d’indignation

Le meurtre de Mona Heidari a suscité une vague d’indignation dans le pays, notamment de la part des médias réformateurs et des militants des droits des femmes, relève Courrier international. « Il n’y a aucune mesure concrète pour garantir l’application des lois visant à empêcher la violence contre les femmes », a regretté la députée Elham Nadaf, citée par l’agence de presse Ilna.

Le meurtre a aussi relancé les appels à réformer la loi sur la protection des femmes contre la violence conjugale. Le journal Sazandegi a ainsi mis le drame à sa « une », pressant le gouvernement et la justice de « soutenir les femmes et les filles en réformant les lois concernant le mariage des enfants et en pénalisant spécifiquement les crimes commis par des hommes fanatiques ».

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— haadiheidari (@هادی حیدری)

Ensieh Khazali, la vice-présidente pour les femmes et les affaires familiales au sein du gouvernement iranien, a aussi appelé à une action parlementaire immédiate pour « combler certaines des lacunes juridiques » et « élever le niveau de conscience de la population ».

L’arrivée au pouvoir, en août 2021, du président ultraconservateur Ebrahim Raïssi, a encore amenuisé l’espoir de voir s’alléger la pression du pouvoir et des religieux sur les femmes de ce pays, l’un des seuls au monde à ne pas avoir signé la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Le Monde

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