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A Roj, en Syrie, dans le camp des orphelins français : « La France, elle ne veut pas nous prendre ? »

Par Ghazal Golshiri

Publié aujourd’hui à 17h45

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ReportageLes enfants de djihadistes français tués, qui survivent dans des conditions précaires, désespèrent d’être rapatriés.

Dans le camp de Roj, il suffit que le vent s’arrête un court instant pour que les cris de joie des enfants résonnent entre les tentes. Ici, sur ce morceau de terre désertique, situé dans le nord-est de la Syrie, tout proche des frontières turque et irakienne, vivent des centaines de femmes et d’enfants. Des familles qui sont venues du monde entier pour rejoindre l’organisation Etat islamique (EI), avant d’être arrêtées par les forces kurdes syriennes. Parmi les habitants de ce camp figurent des mineurs français dont les parents ont été tués lors des combats qui ont marqué l’écroulement du « califat » de Daech (l’acronyme arabe de l’EI). A Roj, ces orphelins vivent seuls, ou avec d’autres familles.

Avant de montrer l’intérieur de sa tente, Sophia (tous les prénoms ont été modifiés), âgée de 16 ans, veut s’assurer que tout est bien rangé. « Attendez deux secondes ! », demande-t-elle, dans un français un peu hésitant, en ordonnant à l’un de ses trois petits frères de nettoyer le sol. Dans leur tente exiguë, il y a trois matelas à même le sol. « Je dors avec un de mes petits frères », explique Sophia, fine et élancée, enveloppée dans un foulard et un manteau rose. Le drap de leur matelas est imprimé d’images d’ours en peluche.

« Je pense qu’on vivait à Paris »

Depuis la mort de sa mère et de son beau-père dans le bombardement de Baghouz, une localité du Sud-Est syrien, ultime possession de l’EI tombée en 2019, Sophia fait tout pour protéger sa famille. Avant d’arriver à Roj, la fratrie était dans le camp Al-Hol, à deux heures de route, où « la vie était très dure », soutient Sophia. A Al-Hol, où vivent plus de 60 000 personnes, dont une grande majorité de femmes et d’enfants, les actes criminels sont monnaie courante, notamment les meurtres.

« Là-bas, il y avait une sœur [membre de l’EI], une Marocaine, qui nous cachait, raconte Sophia. Elle ne voulait pas qu’on retourne en France. Elle nous interdisait de sortir. On ne pouvait parler qu’en arabe. Elle s’est sauvée du camp. Ensuite, il y avait tout le temps des sœurs qui nous criaient dessus. J’en avais marre. J’ai pris mes frères avec moi et on est allés à la porte du camp voir les Kurdes. On leur a dit qu’on voulait partir. Ils nous ont transférés dans une école pour orphelins, et ensuite ici, il y a un an. »

Deux jeunes filles dans le camp de Roj, dans le nord-est de la Syrie, le 9 février 2022. Des familles de djihadistes étrangers sont enfermées dans ce camp depuis la chute de l’organisation Etat islamique (EI), dont des orphelins français dans l’attente de leur rapatriement. LAURENCE GEAI / MYOP POUR « LE MONDE » Sarah (le nom a été modifié), une orpheline de 16 ans, dans le camp de Roj, le 9 février 2022. LAURENCE GEAI / MYOP POUR « LE MONDE »

Dans le camp de Roj, « la vie n’est pas facile, mais c’est mieux qu’avant », dit l’adolescente. Quand il pleut, l’eau rentre pourtant dans la tente. La nuit, par peur de provoquer un incendie, elle préfère ne pas allumer le poêle au pétrole. « Il y a eu des incendies. Le dernier, c’était il y a deux mois. Six tentes ont brûlé. En plus, le chauffage fait de la fumée. Ça donne mal à la tête. Tu ne vois pas bien », explique celle qui n’a aucun souvenir de sa vie en France, pays qu’elle a dû quitter il y a onze ans, à l’âge de 5 ans. « Je pense qu’on vivait à Paris, mais je ne suis pas sûre », murmure-t-elle.

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