ARTE – MARDI 8 FÉVRIER À 20 H 50 – DOCUMENTAIRE
« Tous suspects, partout, tout le temps » : c’est le sort des Ouïgours, le peuple autochtone de la grande région de l’ouest chinois, le Xinjiang, turcophones et musulmans. Confrontée en 2013-2014 à des attentats djihadistes, la Chine va mettre en œuvre à partir de 2017 une politique d’internement massif qui dépasse largement les « suspects habituels » : plusieurs centaines de camps, plus d’un million de personnes astreintes au lavage de cerveau dans des conditions carcérales que rendent encore plus inhumaines l’incertitude et l’arbitraire qui entourent les détentions.
Chine : le drame ouïghour est un documentaire exceptionnel, par ses révélations et son envergure, sur l’entreprise d’assimilation forcée et de sinisation lancée par Xi Jinping à l’encontre de la population de cette ancienne colonie de l’empire Qin.
« Centres de formation »
Plusieurs fois indépendante entre 1911 et 1949, elle fut incorporée en 1955 à la Chine communiste en tant que région autonome ouïgoure du Xinjiang sur le modèle des républiques soviétiques voisines.
Les premiers signes que des rafles vident des quartiers entiers datent de mars 2017 : un journaliste ouïgour en exil en obtient la preuve en parlant à des habitants et des officiels au Xinjiang. Puis Adrien Zenz, chercheur allemand spécialiste des politiques ethniques chinoises, découvre des appels d’offres pour des « centres de formation » dotés de miradors.
Quand la Chine reconnaît en 2018 l’existence de ces centres, un historien albanais antiaméricain, prêt à croire à la pertinence de la méthode chinoise, est invité sur place et traité comme un hôte de marque. À l’instar de centaines de personnalités ou journalistes « amis de la Chine », il réalise que les détenus modèles qu’on lui présente, dans un camp débarrassé de ses barbelés, sont là pour « avoir prié Allah, porté le voile, lu le Coran, des actions qui ne sont nulle part ailleurs au monde considérées comme des crimes », s’indigne-t-il. Ceux qui sont passés par les camps, ou y ont enseigné, en rapportent des témoignages qui glacent, sur les sévices, la torture, l’univers concentrationnaire…
Le documentaire révèle la genèse de cette politique d’internement de masse, à travers les travaux de théoriciens du Parti communiste chinois professant la « fusion ethnique » en faveur de l’ethnie majoritaire han et des documents secrets internes au parti qui ont fuité de Chine en 2019. On y découvre les instructions brutales de Xi Jinping et de son homme de main au Xinjiang, Chen Quanguo.
Cette terreur d’Etat à l’encontre d’une minorité va faciliter la mise en œuvre d’une gamme de mesures orwelliennes, qui vont du travail forcé à l’envoi de cadres chinois dans les familles ouïgoures, en passant par la rééducation des enfants de détenus placés en orphelinats et la stérilisation forcée. A entendre l’un des théoriciens de la fusion ethnique, Hu Angang, ou le chercheur proche du pouvoir, Shen Dingli, toutes ces mesures se justifient par le projet de faire de la Chine une « grande puissance ».
Rien ne symbolise peut-être plus le cynisme à l’œuvre dans ce génocide du XXIe siècle que ces cimetières ouïgours rasés lors de « rénovations urbaines » : les dépouilles ont été transférées dans des tombes en brique, alignées, où le nom des défunts a été remplacé par… un numéro.
Chine : le drame ouïghour Documentaire de François Reinhardt et Romain Franklin France, 2022, 1 h 45 min) Arte. Disponible jusqu’au 7 juin 2022 sur arte.tv
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