Tribune. A la veille de son départ pour Moscou, Emmanuel Macron affirmait que « l’intensité du dialogue que nous avons eu avec la Russie » était de nature à « empêcher » une offensive contre l’Ukraine. On aimerait avoir les certitudes du président de la République. Personne ne peut prétendre savoir ce que veut Vladimir Poutine, et ce dernier n’a d’ailleurs peut-être pas encore décidé ce qu’il allait faire.
On entend parfois dire que le président russe « joue aux échecs ». Mais c’est bien davantage une partie de poker qui se joue aux confins de l’Europe. Et dans ce jeu, il est fondamental de décourager par avance un coup de force contre l’Ukraine.
Cette dissuasion rencontre deux difficultés.
La première est ce que l’on appelle « l’asymétrie des enjeux ». Pour Moscou, le sort de l’Ukraine est par nature un enjeu énorme qui touche à l’avenir même de la puissance russe et à l’héritage que laissera derrière lui M. Poutine. Pour les Occidentaux, c’est un enjeu majeur pour la sécurité européenne, mais non existentiel.
La seconde est que M. Poutine s’estime sans doute être en position de force. Son armée est plus efficace et mieux entraînée qu’elle ne l’était il y a encore dix ans. Il a assuré son contrôle de la Biélorussie, précieuse pour l’encerclement militaire de l’Ukraine. Et reconstitué ses réserves de change, ce qui lui permet d’aborder d’éventuelles sanctions en bonne position. En face, les Occidentaux sont perçus comme faibles, l’Amérique s’intéressant surtout à l’Asie et l’Europe étant, surtout en hiver, très dépendante du gaz russe. Et les précédentes sanctions, notamment après l’annexion de la Crimée, sont restées supportables pour le Kremlin.
Il était donc logique de promettre des sanctions « massives », comme l’a proposé la France dès la mi-novembre. Un langage adopté par nos alliés et partenaires depuis lors. Mais qui se heurte à un problème bien connu des stratèges des débuts de la guerre froide. A l’époque, on promettait en effet des « représailles nucléaires massives » à l’agresseur. Toutefois, est-il crédible vis-à-vis de ce dernier de le menacer d’un tel sort en cas d’attaque limitée ? Le président Biden, de façon maladroite, l’a reconnu publiquement le 19 janvier en évoquant une situation dans laquelle Moscou procédait à « une incursion mineure qui nous conduirait à nous disputer sur ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire ». Avant de reculer et de préciser que « toute unité russe franchissant la frontière » serait considérée comme relevant de « l’invasion »…
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L’article Bruno Tertrais : « Pour dissuader Poutine d’attaquer l’Ukraine, une doctrine de “riposte adaptée” est nécessaire » est apparu en premier sur zimo news.