Chronique. C’est l’attaque de la diligence, version mondialisation. Mi-janvier, les Américains ont découvert que les bandits des grands chemins modernes s’attaquaient au transport ferroviaire. Les photos, en provenance du quartier de Lincoln Heights, à Los Angeles ont fait le tour du pays. On y voit des rails recouverts de milliers de boîtes de carton éventrées, d’emballages, de débris comme après un séisme. Il s’agit des restes laissés derrière eux par les pillards de trains. Les caméras de télévision ont même montré des pochettes de tests Covid éparpillées entre les paquets marqués du sigle d’Amazon ou de FedEx.
Les hors-la-loi du Wild West, tels Butch Cassidy et son Sundance Kid, attaquaient les convois qui traversaient les Grandes Plaines. Le pillage contemporain se concentre autour de Los Angeles, nœud stratégique du transbordement des biens de consommation made in Asia vers les marchés américains. Les conteneurs sont déchargés sur les quais de Long Beach et de Los Angeles – ports d’entrée de 40 % des importations maritimes des Etats-Unis – et répartis dans les wagons de l’Union Pacific Railroad. Ensuite, les choses se gâtent.
La pandémie a créé un engorgement : trop de trafic, pas assez de conteneurs ni de dockers… Les trains sont obligés de s’arrêter pour attendre que la voie soit libre. Les voleurs les ponctionnent au détour d’un étroit couloir de rails, en contrebas de la route, à Lincoln Heights, à 7 km seulement du centre de Los Angeles.
Exploitation des sans-abri
En fait d’embuscade, il suffit d’une petite perceuse pour ouvrir les conteneurs, qui ne sont pas scellés. En un quart d’heure, le tri est fait. Appareils électroniques, vêtements de marque, bijoux, pneus sont embarqués dans des véhicules, garés à proximité. Tout ce qui n’est pas vendable – photos de famille, et même une urne funéraire – est laissé sur place. Et il n’y a pas que l’électronique : plus de 80 fusils ont été signalés manquants.
Selon Union Pacific, 90 conteneurs ont, chaque jour, fait l’objet « d’intrusions » pendant les trois derniers mois de l’année 2021. Le nombre de pillages a augmenté de 160 % depuis décembre 2020. La compagnie ferroviaire met en cause des gangs qui exploiteraient les sans-abri, nombreux le long des voies. Selon elle, les pillards se relaient dans les tentes censées être occupées par les sans-abri.
Les Américains sont déstabilisés. Des rayons vides dans les supermarchés, et maintenant des livraisons subtilisées à la descente des bateaux…
Union Pacific et les autorités locales se renvoient les responsabilités. La compagnie, qui est chargée de la sécurité des acheminements, n’emploie que quelques dizaines de vigiles pour le tracé californien. La police se dit débordée ; la justice répond qu’il est souvent difficile de prouver les larcins, les interpellés prétendant avoir trouvé les objets dans la rue. Le conseiller municipal Joe Buscaino a accusé Union Pacific de négliger l’entretien et la sécurité de voies qui, comme par hasard, « traversent en priorité des quartiers peuplés de minorités » – dont celui de Watts, qui fut le théâtre d’émeutes raciales en 1965 – alors qu’elle a « distribué 6,3 milliards à ses actionnaires en 2020.
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