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Thibault Prébay : « En période d’inflation, la hausse des salaires attendue ne se matérialise pas réellement »

Tribune. Et si la fameuse inflation salariale, qui a fait un retour tonitruant au sein des consensus macroéconomiques, n’était qu’un sempiternel miroir aux alouettes ? La métaphore est plus que séduisante.

L’histoire des dernières décennies tend à démontrer qu’au cours des séquences inflationnistes, une hausse des salaires est simultanément attendue, ou plutôt convoquée, par les économistes… sans pour autant qu’elle se matérialise réellement. Si une progression assez constante des salaires minimaux sociaux est observée, cela vaut rarement pour les salaires médians ou supérieurs. Explications.

Revenons tout d’abord au fondement académique keynésien qui a qualifié l’inflation salariale et ses corrélations avec le taux de chômage et l’inflation : la courbe de Phillips. Née des travaux de l’économiste Alban William Phillips (1914-1975) à la fin des années 1950, celle-ci instaure, en somme, la règle selon laquelle la saturation du marché de l’emploi, donc un taux de chômage faible, entraîne une hausse des salaires, qui elle-même entretient la hausse des prix à la consommation.

D’une logique très pure, ce mécanisme théorique s’est légitimement imposé comme un standard au sein des sphères macroéconomique et politique, contribuant à façonner bon nombre de programmes gouvernementaux de lutte contre le chômage.

Jusqu’au choc pétrolier de 1973

La courbe de Phillips semble pleinement opérante dans la réalité économique jusqu’au choc pétrolier de 1973. Avant cette rupture, la population active américaine bénéficie d’une augmentation assez constante des salaires réels, en ligne avec un équilibre synchrone offre/demande sur le marché du travail synonyme de quasi-plein emploi, mais aussi avec une croissance continue de la productivité de la main-d’œuvre.

Puis l’équation se dérègle avec la stagflation des années 1970 : une situation alors inédite marquée par le ralentissement de la production et de la croissance économique, une productivité en perte de vitesse, un chômage élevé tandis que l’inflation reste galopante.

Depuis, on observe une forme de déconnexion : les gains de productivité et les périodes de net recul du chômage n’entraînent plus la concrétisation d’une progression générale des salaires. C’est notamment le cas aux Etats-Unis entre 1980 et 1990, lorsque la croissance des salaires ralentit de + 10 % à + 5 % par an, pour un marché de l’emploi pourtant tendu avec un taux de chômage en baisse de 10 % à 5,5 % et un taux d’emploi en hausse de 60 % à 64 % sur la décennie.

Pourquoi l’inflation salariale ne se réalise plus, ou plus autant ? Cette évolution doit beaucoup au virage de l’innovation enclenché massivement par l’économie, qu’il s’agisse de la robotisation-automatisation des années 1980 ou du plein essor des technologies numériques depuis vingt ans.

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