France World

Désinformation et cyberattaques : en Ukraine, l’autre visage de la guerre

Par Faustine Vincent

Publié aujourd’hui à 04h02, mis à jour à 09h49

Réservé à nos abonnés

ReportageAlors que l’attention est focalisée sur les troupes russes aux frontières, Moscou déploie un arsenal masqué mais tout aussi dangereux, fait de campagnes de désinformation et de cyberattaques, visant à déstabiliser le pays.

L’alerte à la bombe est survenue en plein cours, à deux jours des vacances d’hiver. Le 23 décembre 2021, l’école n° 1 de Kiev est l’une des premières à avoir été visée par la vague de fausses alertes qui sévit en Ukraine. Certains établissements, assaillis, ont même décidé de basculer l’enseignement en ligne. « On vit dans une période où tout peut arriver, prévient le proviseur de l’école n° 1, Taras Chvydoun, installé dans son bureau. On n’a pas le droit de céder à la panique. Ma tâche principale, c’est de ne pas la laisser se propager. »

A chaque alerte à la bombe, les services de sécurité vérifient, puis remontent la piste des auteurs. A quelques exceptions près, « les appels proviennent de la Russie et de la Biélorussie », affirme Lioubov Tsyboulska, spécialiste de la désinformation au sein du Centre pour la communication stratégique.

Lire le récit : Article réservé à nos abonnés Guerre des nerfs en Ukraine, sous la menace russe

Alors que l’attention se focalise depuis trois mois sur le nombre de troupes russes aux frontières ukrainiennes et sur la menace physique d’une invasion, la Russie déploie, en parallèle, un arsenal bien moins spectaculaire mais tout aussi dangereux, qu’elle maîtrise à la perfection : la désinformation, les cyberattaques et les campagnes de déstabilisation. Sur ce front-là, invisible, il n’y a ni tranchée, ni victime directe. La menace est plus insidieuse ; plus profonde, aussi.

Lioubov Tsyboulska, conseillère du Centre pour la communication stratégique, le 31 janvier 2022 à Kiev, en Ukraine. GUILLAUME HERBAUT / AGENCE VU’ POUR « LE MONDE »

Ce volet, tentaculaire, est au cœur de la guerre hybride menée contre l’Ukraine depuis 2014, lorsque Moscou a annexé la Crimée et que le conflit dans le Donbass a éclaté avec les séparatistes prorusses, soutenus par la Russie. Il est désormais plus important que le volet militaire, selon les experts. « La Russie a commencé à privilégier ce type d’attaques depuis trois ou quatre ans », précise au Monde un membre des services ukrainiens de renseignement. L’homme, qui préfère garder l’anonymat, est éberlué par le savoir-faire russe en la matière : « Ils manipulent l’information à un niveau orwellien. »

Plus important que le volet militaire

L’Ukraine a servi de laboratoire à la Russie. « C’est ici qu’ils ont commencé à tester ces techniques, poursuit-il. Les Russes ont pris conscience qu’influencer l’opinion publique et commettre des cyberattaques est plus efficace qu’envoyer des troupes. » L’annexion de la Crimée est elle-même survenue après une bataille d’information, dans laquelle Moscou soutenait que les populations russophones étaient attaquées.

Depuis le début de la nouvelle crise avec la Russie, en octobre 2021, l’intensité des campagnes de désinformation et de cyberattaques visant l’Ukraine a nettement augmenté. « Actuellement, les Russes agissent principalement avec ces opérations, ajoute la même source du renseignement. Même l’activité de leurs forces militaires aux frontières s’inscrit dans cette attaque hybride. » Sur Twitter, l’activité des comptes suspects véhiculant la propagande russe a augmenté de 300 % en novembre et décembre 2021 par rapport au reste de l’année, selon une étude de la plate-forme Mythos Labs, spécialisée dans la lutte contre la désinformation.

Il vous reste 67.31% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source

L’article Désinformation et cyberattaques : en Ukraine, l’autre visage de la guerre est apparu en premier sur zimo news.