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L’organisation Etat islamique, une hydre encore menaçante

Lors des funérailles d’un combattant des Forces démocratiques syriennes tué dans l’assaut de la prison de Ghwayran par l’EI, à Hassaké (Syrie), le 4 février. – / AFP

Editorial du « Monde ». L’opération des forces spéciales américaines qui a abouti à la mort du chef de l’organisation Etat islamique (EI), Abou Ibrahim Al-Hachimi Al-Qourachi, jeudi 3 février, dans le nord de la Syrie, est une bonne nouvelle. Elle confirme l’engagement des Etats-Unis à ne pas baisser la garde dans leur lutte contre le terrorisme djihadiste, malgré leur retrait du Moyen-Orient. Le désastreux départ des troupes américaines de Kaboul, en août 2021, avait pu laisser croire que Washington, tout à sa confrontation avec Pékin et Moscou, estimait que la page du djihadisme était tournée en tant que menace prioritaire.

Le coup dur porté à la haute hiérarchie de l’EI ne signe pas pour autant la fin de l’organisation terroriste. Abou Ibrahim Al-Hachimi Al-Qourachi, un Turkmène irakien de 43 ans, sera remplacé, comme il a remplacé Abou Bakr Al-Baghdadi, tué lui aussi dans le Nord syrien, en octobre 2019.

Depuis la chute du dernier bastion son « califat », début 2019, à Baghouz, en Syrie, l’EI a fait la preuve de sa capacité à se muer en guérilla décentralisée, tant dans son berceau syro-irakien qu’au niveau mondial. En Syrie, les combattants de l’EI viennent de mener leur opération la plus spectaculaire et la plus importante depuis 2019, en attaquant la prison de Ghwayran, à Hassaké, où les forces kurdes, alliées aux Occidentaux, détiennent plusieurs milliers de djihadistes de toutes nationalités. Bilan de cette attaque : 495 morts, dont 374 détenus et assaillants, 77 employés et gardiens de la prison, 40 soldats des Forces démocratiques syriennes (FDS) et 4 civils.

On ne sait pas si le chef de l’EI, Amir Mohammed Saïd Abdel Rahman Al-Mawla de son vrai nom, a joué un rôle dans la coordination de cette opération d’envergure. L’homme, qui n’est jamais apparu en public, contrairement à son prédécesseur, n’a jamais diffusé de photo, ni de message audio ou vidéo.

Pousser à la guerre civile

Cela n’a pas empêché le « label » EI de prospérer et de gagner de nouveaux territoires d’Asie en Afrique. En Afghanistan, où sa filiale, l’Etat islamique au Khorassan, incarne une ligne radicale face au pouvoir des talibans. En Afrique surtout, où des groupes armés radicaux se rallient au drapeau noir, source de notoriété et de recrutement. Pendant le « mandat » d’Abou Ibrahim Al-Hachimi Al-Qourachi, on a vu l’EI essaimer au Sahel, en particulier au Burkina Faso et au Mali, mais aussi en République démocratique du Congo et au Mozambique. Partout où les conflits s’enkystent et où l’Etat est absent ou synonyme d’injustice et de violence, la menace existe.

En Europe même, des individus passent régulièrement à l’action sans avoir besoin de se revendiquer d’une allégeance à l’EI ou à ses chefs, en attaquant avec des moyens parfois rudimentaires des cibles mal protégées mais symboliques. Ils n’ont pas eu besoin d’être formés, ni même endoctrinés. Ils ont intégré les modes d’action et les objectifs de l’organisation, sans même en avoir jamais été membres : provoquer des représailles, faire exploser la société, pousser à la guerre civile, forcer les musulmans à choisir leur camp.

En France, l’assassinat de Samuel Paty, en octobre 2020, est le meilleur exemple de cette stratégie et des dégâts considérables qu’elle provoque dans le champ politique et social. La « guerre contre le terrorisme » ne peut pas être menée par les seules forces spéciales en Syrie ou au Sahel. Elle relève aussi d’un effort constant de notre société pour ne pas tomber dans le piège tendu par les adeptes d’Abou Ibrahim Al-Hachimi Al-Qourachi.

Le Monde

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