Les déboires de Facebook, qui a perdu plus de 25 % de sa valorisation boursière jeudi, sont essentiellement dus à la première baisse du nombre d’utilisateurs. Mais cette dégringolade est aussi le symptôme d’une Bourse qui tourne la page après une décennie d’euphorie.
C’est un record qu’aucune société cotée ne veut battre. Meta, la maison mère de Facebook, a perdu, jeudi 3 février, plus de 220 milliards de dollars de valeur en Bourse, soit plus d’un quart de sa capitalisation boursière, à la suite de la publication de résultats financiers décevants la veille. Une dégringolade sans précédent dans l’histoire américaine.
Cette chute vertigineuse illustre aussi le poids de Meta sur les marchés financiers américains. Cette perte record en un jour correspond approximativement à la valorisation boursière totale de géants comme Disney et dépasse les valeurs boursières combinées de Boeing et Starbucks, par exemple.
L’envers du métavers
Quelques jours plus tôt, le 27 janvier, Facebook avait déjà dû avaler une première couleuvre en tirant un trait définitif sur Diem, son ambitieux projet de cryptomonnaie utilisable par les quelque deux milliards d’utilisateurs de son réseau social.
L’année 2022 ne semble pas se présenter sous les meilleurs auspices pour l’empire fondé il y a 18 ans par Mark Zuckerberg. « Même si la direction à suivre apparaît clairement, il semblerait que le chemin pour arriver à destination ne soit pas parfaitement défini », a déclaré le fondateur de Facebook en présentant les résultats financiers de son groupe.
Il faisait référence à son pari sur le métavers, cet univers virtuel encore à bâtir que Mark Zuckerberg décrit comme l’avenir de Facebook et d’Internet en général. Mais les investisseurs ont semblé moins enthousiastes pour ce projet aux contours encore assez flous.
Ils ont surtout vu que Meta avait déjà investi dix milliards de dollars dans le métavers, alors que la réalité virtuelle développée par Facebook (essentiellement les casques Oculus) – et censée permettre d’évoluer dans le métavers – a fait perdre plus de huit milliards de dollars supplémentaires à Meta en 2021.
Les investisseurs auraient pu passer l’éponge, en attendant que ces investissements portent leurs fruits. Mais le réseau social ne se porte pas à merveille. « Ce qui a été sanctionné avant tout en Bourse, c’est le fait que Facebook a perdu des utilisateurs », assure Vincent Boy, analyste chez IG France, contacté par France 24.
C’est, en effet, une autre triste première pour le roi des réseaux sociaux. Il est passé de 1,930 milliard d’utilisateurs quotidiens actifs fin 2020 à 1,929 milliard en 2021. « Aux yeux des investisseurs, les nouveaux utilisateurs d’aujourd’hui sont les profits de demain [davantage de cibles pour la publicité, NDLR] », résume Vincent Boy.
Méta s’est trop longtemps reposé sur ses lauriers
Les responsables de Facebook ont été prompts à trouver des boucs émissaires pour expliquer l’accumulation des mauvaises nouvelles. Ils ont blâmé Apple qui a, au printemps dernier, changé ses règles de confidentialité sur iPhone, rendant la collecte des précieuses données personnelles nécessaires pour la publicité ciblée plus compliquée. Ils s’en sont aussi pris à Google, accusé de leur avoir pris des parts de marché publicitaire parce qu’ils dépendent moins de l’iPhone pour collecter les données personnelles. Enfin, ils enragent contre TikTok, le réseau social d’origine chinoise, devenu immensément populaire auprès des jeunes qui, parallèlement, désertent de plus en plus Facebook.
Pour Vincent Boy, toutes ces explications sont certes valables, mais elles ignorent la part de responsabilité de Meta. La baisse du nombre d’utilisateurs est pour les investisseurs « la preuve que le groupe s’est trop longtemps reposé sur ses lauriers. Facebook s’est contenté de racheter des start-up innovantes (Oculus) ou susceptibles de devenir des concurrents (Instagram), et n’a pas développé son cœur de métier pour anticiper l’arrivée d’un concurrent sérieux comme TikTok », résume l’analyste financier.
Conséquence : Meta a été obligé de plonger la tête la première dans l’inconnu du métavers alors que le mal était déjà fait. « Les investisseurs auraient préféré que le groupe se lance dans cette aventure à un moment où il ne perdait pas encore des utilisateurs et avait de meilleures perspectives », résume Vincent Boy.
Et à la fin c’est le krach ?
À ces problèmes propres à Facebook, s’ajoute un contexte boursier particulier. La violence de la sanction infligée à l’action Meta peut, en effet, sembler disproportionnée par rapport aux résultats du groupe. Ils sont certes décevants, mais « après tout, Meta continue à faire d’énormes profits, et la baisse du nombre d’utilisateurs reste très limitée », précise Vincent Boy.
En fait, cette dégringolade boursière est aussi le symptôme d’une Bourse qui tourne la page après une décennie d’euphorie, surtout pour les groupes technologiques. « Il y a encore un an, les investisseurs n’auraient pas réagi aussi fortement aux annonces de Meta », souligne le Financial Times.
« On sentait déjà une certaine crispation ces derniers mois. Fin décembre 2021, près de 40 % des valeurs du Nasdaq [l’indice boursier américain des valeurs technologiques] ont vu leur action retomber à la moitié de leur plus haut niveau historique », rappelle Vincent Boy. Les annonces des différentes Banques centrales – à commencer par la Fed américaine – suggérant des hausses à venir des taux d’intérêt, sifflaient la fin de l’ère de l’argent facile et pas cher qui avait fait les beaux jours des boursicoteurs depuis le début des années 2010.
Sentant le vent tourner, les investisseurs se sont montrés plus prudents. « On assiste à une correction qui a d’abord touché les petites valeurs tech fin 2021 », résume l’analyste d’IG.
Les déconvenues de Facebook « prouvent que plus personne n’est dorénavant à l’abri », estime Vincent Boy. Netflix a aussi vu le cours de son action chuter parce qu’il y avait une baisse du rythme de la hausse des nouveaux abonnés… « La moindre erreur est maintenant immédiatement sanctionnée par les marchés », conclut l’analyste.
Et, pour cet expert, ce n’est probablement que le début. Les grandes valeurs Tech – Facebook, Google, Amazon, Apple – donnaient le « la » depuis plus d’un an déjà à Wall Street et tiraient, presque à elles seules, la Bourse vers le haut.
Si, à l’image de Facebook, leur course en avant prend subitement fin, tout devient possible. À tel point qu’on commence à voir le retour sur le devant de la scène médiatique d’un terme redouté depuis 2008 : celui de krach boursier.
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