De E orange foncé à A vert foncé, le Nutri-Score a fait son chemin sur les emballages des produits alimentaires en magasins. Apparu en 2017, l’étiquetage doit permettre au consommateur de se faire une idée en un coup d’œil de la qualité nutritionnelle du produit… quand les fabricants jouent le jeu. Car le Nutri-Score, qui prend en compte pour 100 grammes ou 100 millitres de produit la teneur en aliments à favoriser (fibres, protéines, fruits, légumes, légumineuses…), et en nutriments à limiter (acides gras saturés, sucres, sel…), reste facultatif. Alors évidemment, afficher un E écarlate n’est pas franchement engageant pour le consommateur et donc pas très séduisant pour le fabricant. Mais le logo progresse pourtant sur les paquets. Selon l’Oqali, l’Observatoire de la qualité de l’alimentation, 702 entreprises étaient engagées en juin 2021 (contre 76 déclarées en juillet 2018) dans la démarche en France. Des marques engagées qui représentent désormais 57% des volumes de ventes (contre 23% en 2018).
Les distributeurs s’affichent clairement comme les convertis de la première heure. A tel point que 99% des marques de distributeurs (MDD), entrée de gamme ou non, proposent la fameuse notation! Et oeuvrent pour améliorer leurs scores. Ainsi Intermarché qui a lancé un vaste chantier de reformulation en 2019 se félicitait début 2021 d’un relèvement des notes sur les produits reformulés. Comme avec les « Mouss’Fruits » Pâturages dans lesquelles les arômes artificiels ont été remplacés par des arômes naturels, la part de fromage frais augmenté et le Nutri-Score est ainsi passé de C à B. Ou les tomates farcies Monique Ranou dont les additifs ont été supprimés et les protéines revues à la hausse, d’où une note là aussi passée de C à B. Une implication des distributeurs au travers des MDD qui n’est pas passée inaperçue auprès des consommateurs. Selon le récent Observatoire E.Leclerc des Nouvelles Consommations en partenariat avec Ipsos, 63% saluent les efforts pour indiquer systématiquement le Nutri-Score.
Et les marques nationales?
Il faut dire que si le Nutri-Score est facultatif, de nombreuses applis de notation l’ont calculé pour tous les produits alimentaires. Elles diffusent ensuite l’information directement aux consommateurs ou l’utilisent dans le cadre de leur propre système de notation, comme c’est le cas de Yuka. Difficile pour les marques d’en faire abstraction. D’autant que les Français sont particulièrement exigeants sur la transparence et la qualité des produits: 35% déclaraient dans un sondage Odoxa pour SAP utiliser des applis de ce type, contre 24% en moyenne en Europe.
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Du coup, même les marques nationales s’y mettent… avec plus ou moins d’enthousiasme. Les parts de marché de celles qui se sont engagées dans le Nutri-Score est ainsi passé de 12% en 2018 à 34% en 2021 (contre 51% en 2018 et 99% en 2021, pour les MDD). Nestlé s’est par exemple impliqué progressivement depuis 2019 avec l’apposition du Nutri-Score sur certaines marques comme les céréales Nestlé Fitness et Chocapic et prévoit un déploiement sur 7.500 produits à l’horizon 2022. Les céréales pour le petit déjeuner sont une des catégories où les marques nationales se sont particulièrement engagées sur cet affichage –avec une part de marché des marques impliquées passant d’à peine 1% en 2018 à 97% en 2021. A l’inverse, les marques nationales impliquées dans le Nutri-Score ne représentent que 4,3% de part de marché dans la catégorie fromages et moins de 1% pour les confiseries. Deux catégories dans lesquelles les MDD sont quant à elles engagées à hauteur de… 97% de part de marché.
Et c’est vrai que dans les catégories fromages et confiseries, l’écrasante majorité des notes obtenues par les produits sont un…D orange (à plus de 70%) selon l’Oqali. Pas vraiment de quoi pousser les fabricants à en faire l’aveu sur l’emballage. Et quand les MDD ont pris l’option d’afficher le Nutri-Score quelle que soit la note –un quart des produits de MDD qui le font sont notés A vert et un quart le sont D orange–, les marques nationales semblent privilégier l’affichage sur les produits susceptibles d’être le mieux notés –les produits qui affichent le logo sont ainsi notés A vert… à 39% et B vert à 27%! Reste que les marques nationales ou non tendent bien à réduire le sucre, le sel ou encore les additifs depuis plusieurs années pour répondre aux exigences des consommateurs.
Quel impact?
L’affichage du Nutri-Score a-t-il pour autant un impact sur le consommateur? Une étude de 2020 du Crédoc montrait que l’étiquetage souffrait d’un manque de notoriété, seuls 41% des Français déclaraient le connaître, dû à son caractère non systématique sur les emballages. Par contre, pour les consommateurs qui le connaissent, le label n’est pas insignifiant puisque 63% se disent plutôt influencés. Une autre étude de Santé publique France parue en janvier 2021 faisait état de 36% des personnes connaissant le Nutri-Score confirmant avoir déjà opté pour un produit avec un meilleur score plutôt que pour un autre avec un score plus faible dans un même rayon. Et cela pourrait bien se répercuter au niveau des ventes. Dès 2019, une étude Nielsen montrait que les produits classés A et B avaient progressé, contrairement à ceux notés C et D. L’Iri aboutissait aux mêmes conclusions avec des ventes plus dynamiques pour les produits notés A et B.
Rien d’étonnant à ce que le Roquefort, menacé comme la plupart des formages par un Nutri-Score faible, se soit mobilisé cet automne à l’idée d’un étiquetage obligatoire (un projet d’harmonisation à l’échelle européenne pourrait voir le jour cette année). Au point de demander à être exempté au nom de la tradition… Même Valérie Pécresse a pris position sur cette question épineuse, plaidant pour un Nutri-Score par portion. Une proposition qui fait écho à ce que les détracteurs du système actuel (qui se base sur 100g de produit) poussaient déjà lors de sa mise en place.
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