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Puces électroniques : « Les industriels sur lesquels Bruxelles compte pour rattraper son retard n’ont ni les moyens ni l’envie de se lancer dans cette course »

Au pays de la soif et de la privation, on rêve de fontaines géantes et de cornes d’abondance. Déjà traumatisée par son retard technologique sur les Américains et les Asiatiques, l’Europe vit comme une humiliation de devoir ralentir ses usines d’automobiles pour un petit carré de silicium. Le commissaire européen Thierry Breton entend laver l’affront et restaurer la dignité du Vieux Continent.

D’ici une semaine, la Commission devrait dévoiler un grand plan d’investissements dans la conception et la fabrication de composants électroniques et particulièrement des microprocesseurs, les cerveaux qui pilotent nos machines, de l’ordinateur à la voiture, des smartphones aux machines à laver.

Avec un objectif claironné haut et fort : doubler la part de marché de l’Europe dans le domaine des puces électroniques. Un pari audacieux, justifié par la volonté de souveraineté et de compétitivité de l’Union, mais dont le timing et la faisabilité posent question. Au moment où les marchés et les banques centrales sont en train d’enterrer l’ère de l’argent abondant, Bruxelles lance un pari à près de 150 milliards d’euros.

Renforcer plutôt la recherche

L’Europe détient aujourd’hui environ 10 % du marché mondial des semi-conducteurs. Comme ce secteur, évalué à 450 milliards d’euros, devrait lui-même doubler d’ici à la prochaine décennie, cela signifie passer de 45 milliards à 180 milliards de chiffre d’affaires. Dans ce métier, où il faut investir 1 milliard pour générer autant en vente annuelle, il faudrait donc engager la même somme pour atteindre cet objectif. La commission subventionnera, mais elle compte surtout sur l’argent privé.

Or les deux principaux industriels européens du secteur, le franco-italien STMicroelectronics et l’allemand Infineon, n’ont ni les moyens ni l’envie de se lancer dans cette course. Ils préfèrent se concentrer sur les niches, où ils excellent. Quant aux financiers, ils se méfient d’un secteur aussi volatil et cyclique. En 2022, près de 30 nouvelles usines construites au plus fort de la pénurie sortiront de terre aux Etats-Unis, en Chine, à Taïwan, au Japon et en Europe…

A partir de 2023, leur production risque de noyer le marché, de faire baisser les prix et de ruiner les comptes des électroniciens, qui connaissent bien le phénomène. Dans ce cas, l’Europe, qui ne produit ni ordinateurs ni téléphones, les deux plus gros consommateurs de puces, risque de payer cher sa souveraineté retrouvée. Cette dernière passera plus sûrement par le renforcement de sa recherche, dans la suprématie des machines de la société ASML, les designs d’ARM ou les composants de STMicroelectronics ou Infineon que par la poursuite d’un rêve d’autonomie industrielle.

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