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Birmanie : “La communauté internationale doit renforcer la pression sur la junte”

Publié le : 01/02/2022 – 08:25

Il y a un an, les militaires prenaient le pouvoir par la force en Birmanie. Alors que le pays est désormais plongé dans une guerre civile, la communauté internationale peine à adopter des mesures concrètes. 

Dans les semaines qui avaient suivi le coup d’État en Birmanie, le 1er février 2021, la communauté internationale avait unanimement condamné la prise de pouvoir par les militaires. Le président français, Emmanuel Macron, par exemple, avait twitté en birman affichant son soutien à la population et appelant à « mettre immédiatement fin à la répression ».  

Un an plus tard, le pays est plongé dans une guerre civile. Face à la résistance de la population, les militaires opèrent une répression sanglante. Au total, près de 1 500 civils ont été tués, près de 12 000 arrêtés, selon l’Association pour l’aide aux prisonniers politiques qui recense des cas de viols, de tortures et d’exécutions extrajudiciaires. La communauté internationale, elle, peine cependant à prendre des mesures concrètes contre la junte du général Min Aung Hlaing. 

« La communauté internationale doit renforcer sa pression sur la junte », a martelé à plusieurs reprises, lundi 31 janvier, Aung Myo Min, ministre des Droits humains du gouvernement en exil lors d’une conférence de presse organisée à Paris. « Il y a eu beaucoup de prises de parole. Malheureusement, sans action derrière, ce n’est que du vent. »

Un appel similaire avait été lancé par l’ONU vendredi le 28 janvier. « Il est temps pour un nouvel effort pressant en faveur du retour du respect des droits de l’Homme et de la démocratie en Birmanie et de s’assurer que ceux qui ont perpétré des violations systématiques des droits humains et des comportements abusifs rendent des comptes », a souligné la Haute Commissaire aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet dans un communiqué.

Plusieurs ONG, dont Human Rights Watch, ont aussi appelé vendredi les Nations unies à adopter un embargo sur les armes. Ce que la Chine et la Russie ont refusé jusqu’à présent.

Le gouvernement d’unité nationale appelle par ailleurs la communauté internationale à se mobiliser pour apporter une aide humanitaire à la Birmanie, alors que le pays est en proie à une grave crise économique et que des centaines de milliers de personnes ont été déplacées à cause des combats.  

>> « C’était partir ou mourir » : la fuite de milliers de Birmans après le coup d’État

Reconnaissance du gouvernement d’unité nationale

Mais pour Aung Myo Min, la première priorité est la reconnaissance officielle de ce gouvernement d’unité nationale (NUG). Formé quelque temps après le coup d’État, il est composé de députés de la LND, le parti d’Aung San Suu Kyi, de représentants des minorités ethniques et de membres de la société civile. Avec la plupart de ses membres réfugiés à l’étranger, il œuvre à distance pour restaurer la démocratie dans le pays. 

« Nous sommes le gouvernement légitime de la Birmanie (…). Plusieurs membres de notre gouvernement ont été élus démocratiquement lors des dernières législatives. Et nous avons le soutien de la population », a insisté cette ancienne figure de la lutte pour les droits LGBT dans le pays.

À ce jour, la France est l’un des rares pays, avec la République tchèque et le Canada, à avoir amorcé cette reconnaissance. Le Sénat a en effet adopté une résolution en ce sens le 5 octobre dernier. Le sujet est désormais sur la table de l’Assemblée nationale.

« La France peut jouer un rôle-clé » 

« La France peut jouer un rôle-clé dans la lutte contre la junte militaire », a expliqué de son côté Alex Aung Khant, représentant de ce gouvernement en exil en France et petit-neveu d’Aung San Suu Kyi. La France et la Birmanie ont des liens forts : les Français représentent la plus grande communauté d’expatriés occidentaux dans le pays. Et de nombreuses entreprises ont – ou avaient – des bureaux dans le pays comme Bouygues, JCDecaux et TotalEnergies.

« Le Sénat a fait un choix courageux. Maintenant il faut que le gouvernement suive », a-t-il poursuivi. « Au moment où la France prend la présidence de l’Union européenne, elle peut vraiment avoir un rôle de leader sur la question. »

Pour le moment, le NUG a un champ d’action limité. « Nous travaillons principalement via les réseaux sociaux et en contact continu avec les membres de la société civile sur le terrain », a détaillé Aung Myo Min. « Nous multiplions les campagnes de communication pour appeler les militaires à quitter les rangs de l’armée. Nous essayons d’aider les mouvements de résistance en faisant envoyer des produits de première nécessité. Et le reste du temps, on se concentre à porter la voix des Birmans à l’étranger. »

En devenant le gouvernement officiel de la Birmanie, il aurait notamment la possibilité de demander des aides de l’ONU. « Sans compter que cela porterait un coup aux militaires qui essaient de s’installer sur la scène internationale », a abondé Axel Aung Khant. 

Frapper au porte-monnaie

Au-delà de l’aspect diplomatique, les deux hommes appellent à multiplier les sanctions économiques ciblées contre la junte, à mettre en place un embargo sur les armes et établir des mandats d’arrêt contre certains généraux.

Concernant les sanctions, les choses se sont accélérées à l’approche de l’anniversaire du coup d’État. Jusqu’alors, peu de grands groupes avaient annoncé leur départ de Birmanie malgré la pression exercée par les ONG. Le 21 janvier, l’annonce du retrait du pays de TotalEnergies a ainsi été fortement saluée par le mouvement pro-démocratie. Dans la foulée, plusieurs autres entreprises étrangères ont suivi. Parmi elles, l’américain Chevron et le géant de l’énergie australien Woodside. 

« Mais ces départs n’ont qu’un impact limité aux revenus perçus par la junte », explique Alex Aung Khant, qui rappelle que l’exploitation des ressources gazières est leur principale source de revenus, rapportant environ un milliard de dollars par an. « Pour vraiment frapper au porte-monnaie, il faut que les États prennent des sanctions ciblées qui stoppent ces revenus. »

Lundi 31 janvier, les États-Unis, en coordination avec le Royaume-Uni et le Canada ont, de leur côté, annoncé de nouvelles sanctions économiques visant la junte. Parmi les personnes concernées figurent les plus hauts responsables judiciaires : le procureur général Thida Oo, le président de la Cour suprême Tun Tun Oo et le chef de la commission anti-corruption Tin Oo, selon un communiqué du Trésor américain. Quatre autres personnes et deux entités sont aussi visées, accusées de soutenir financièrement la junte, notamment par la fourniture d’armes et d’équipements. 

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