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Au Mali, la junte au pouvoir tente de contrer les sanctions économiques

Des manifestants brandissent une photo du colonel Assimi Goïta lors d’un rassemblement à l’appel de la junte pour protester contre les sanctions de la Cedeao, le 14 janvier 2022. PAUL LORGERIE / REUTERS

Limiter l’impact des sanctions, à tout prix. Pour la junte malienne, l’heure est au contournement des mesures sévères prises à son encontre par les chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Le 9 janvier, l’organisation intrarégionale a en effet annoncé un embargo économique et financier en réponse à la volonté des militaires maliens de se maintenir au pouvoir jusque fin 2026.

Parmi la batterie de mesures immédiatement applicables : la fermeture des frontières terrestres et aériennes avec le Mali ; la suspension de toute transaction commerciale, à l’exception de certains produits de première nécessité ; et le gel des avoirs du Mali à la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et dans les banques commerciales de la région.

Les fonds bancaires s’amenuisent

Dès le 10 janvier, la junte annonçait un « plan de riposte ». Ce jour-là, les représentants de toutes les banques du pays ont été convoqués par le ministre de l’économie. Pour contourner le gel des avoirs de l’Etat malien, les financiers ont été priés de ne pas communiquer les positions des comptes concernés. Selon nos informations, des opérateurs économiques privés ont été incités à mettre leurs comptes bancaires à la disposition de l’Etat pour lui permettre de continuer à payer fournisseurs et fonctionnaires.

Car les fonds bancaires disponibles s’amenuisent dangereusement. « Mi-janvier, les banques ont voulu retirer une partie de leurs avoirs détenus à la BCEAO, pour 470 milliards de francs CFA [716 millions d’euros]. Afin de ne pas totalement bloquer l’économie malienne, la banque centrale leur a accordé la moitié des fonds, mais ça ne sera pas suffisant pour continuer à payer tout le monde », prévient l’économiste Sékou Diakité, enseignant à l’université de Bamako.

Or, le paiement des salaires des fonctionnaires est un des gros postes de dépense du budget de l’Etat : 7 % du PIB, soit plus de 738 milliards de francs CFA (1,1 milliard d’euros) selon la Banque mondiale. Si les versements n’ont pas été trop entravés en janvier, la fin du mois de février pourrait être plus difficile à négocier.

Pour l’instant, toutefois, l’impact des sanctions semble limité. « On oublie souvent que moins de 15 % de l’économie malienne est bancarisée. Or les sanctions économiques n’affectent que le secteur bancaire ! Ça donne une formidable souplesse à la junte qui, depuis des mois, s’emploie à amasser de l’argent liquide », glisse une source, à Bamako. Fin janvier, certains gros commerçants maliens auraient ainsi été sommés par les autorités de leur fournir un soutien financier, en liquide ou par l’intermédiaire de bons du trésor, rapporte l’un d’entre eux, sous couvert d’anonymat.

Les répercussions de l’embargo territorial restent également sous contrôle, grâce aux nombreuses exceptions prévues : les produits alimentaires de grande consommation, les produits pharmaceutiques, pétroliers et électriques continuent globalement à circuler.

Brigades de contrôle

Afin d’éviter une trop forte spéculation de la part des commerçants maliens et ainsi de limiter l’inflation, la junte a plafonné les tarifs de vente de certains produits tels que le riz, le sucre et le pain, dès novembre 2021. Et gare à ceux qui entendent braver la mesure. Des brigades de contrôle ont été déployées sur l’ensemble du territoire pour une « mission sacerdotale de maintien de l’ordre économique et commercial », explique la direction nationale du commerce et de la concurrence, précisant que plus de 2 000 points de vente ont déjà été visités et « des centaines de procès-verbaux dressés ». Un numéro vert a aussi été mis en place pour inciter les citoyens à dénoncer toute pratique frauduleuse.

« La junte a conscience qu’un peuple qui a faim risque de se révolter. Les dirigeants font tout pour l’éviter car leur maintien au pouvoir dépend largement de la cohésion sociale », glisse un proche du gouvernement. Les sanctions ouest-africaines, jugées injustes par la plupart des Maliens, ont pour l’instant permis de rassembler le peuple derrière les autorités. Mais ces dernières savent que ce soutien patriotique s’essoufflera vite en cas d’impact trop lourd sur l’économie nationale.

Pour desserrer l’étau, la diplomatie malienne bat le rappel chez ses pairs africains. Visite à Bamako du président de Guinée-Bissau en juin 2021, des autorités de transition guinéennes et de la présidence togolaise en janvier 2022, déplacement du ministre des affaires étrangères malien en Mauritanie, au Maroc ou encore en Algérie… L’objectif est de trouver un soutien diplomatique et financier ainsi que de nouvelles routes d’import-export permettant de contourner la fermeture des frontières.

De leur côté, les dirigeants ouest-africains ont redit, vendredi 28 janvier, qu’ils attendaient des autorités militaires maliennes « un calendrier raisonnable et réaliste » pour la tenue d’élections. « Les sanctions seront levées progressivement sur la base de ce chronogramme et de sa mise en œuvre diligente et satisfaisante », précise la lettre.

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