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Elizabeth Loftus, la psy controversée des faux souvenirs

Par Stéphanie Chayet

Publié aujourd’hui à 04h42, mis à jour à 11h42

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PortraitLa chercheuse américaine en sciences cognitives a démontré que la mémoire des individus était malléable. L’experte est intervenue dans des procès comme celui du producteur Harvey Weinstein, de l’acteur Kevin Spacey ou de l’affaire Jeffrey Epstein.

La psychologue Elizabeth Loftus, à l’université de Californie à Irvine, où elle enseigne, le 6 janvier 2022. PAT MARTIN POUR M LE MAGAZINE DU MONDE

La première fois qu’on aperçoit Elizabeth Loftus, elle est assise dans un box vitré de la cour fédérale du Southern District de New York, où l’héritière Ghislaine Maxwell est jugée, entre autres, pour trafic sexuel de mineures dans le cadre de l’affaire Epstein. Nous sommes le 16 décembre 2021, premier jour des plaidoiries de la défense. Devant les marches du tribunal, des slogans tracés au feutre sur des pancartes exhortent à « croire les survivantes ».

Chaussée de lunettes rondes à grosses montures noires, la chercheuse de 77 ans, professeure de sciences cognitives à l’université de Californie à Irvine, est appelée à témoigner par la défense en tant que spécialiste de la mémoire humaine. Dans le système judiciaire américain, on parle d’expert « aveugle » (au dossier) : la psychologue la plus influente du XXe siècle – dixit la Review of General Psychology – est payée 600 dollars (540 euros) de l’heure pour éclairer le jury sur le fonctionnement du cerveau, pas pour se prononcer sur les accusations portées contre la prévenue.

La comparution commence par un examen de son curriculum vitae, l’annexe EL-1 du dossier de la défense, 47 pages à interligne simple embrassant cinq décennies de recherches, prix et distinctions. Il est question de ses 600 articles scientifiques, de ses sept doctorats honoris causa, de ses consultations par le département de la justice, la CIA, le FBI ou encore de son élection à la National Academy of Science, décrite par l’intéressée comme « l’un des plus grands honneurs pour un scientifique américain dont la discipline n’a pas de prix Nobel ».

« Guerre des souvenirs »

L’experte explique que ses travaux en psychologie expérimentale ont contribué à ­enterrer la conception de la mémoire comme « enregistrement » des événements vécus. On sait maintenant que le souvenir n’est pas un duplicata, mais un processus dynamique de reconstruction, voire de transformation radicale de l’original.

Non seulement cet objet « malléable » peut être « contaminé » à chaque récupération, mais il devient de plus en plus « corruptible » avec le temps. Sans corroboration indépendante, impossible de séparer le bon grain de l’ivraie : les études montrent que les faux souvenirs peuvent susciter le même degré de certitude et d’émotion que les vrais.

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« Atrocement ennuyeux », soupire un reporter ­britannique. « Ses recherches n’ont rien à voir avec les violences sexuelles », ajoute une journaliste américaine. Dans les rangs de la presse, d’autres voix consternées dressent la liste des accusés célèbres qui l’ont consultée ou citée à témoigner au cours de sa longue carrière d’experte judiciaire. Le producteur Harvey Weinstein, l’entraîneur de football américain Jerry Sandusky, le terroriste Timothy McVeigh ou encore le tueur en série Ted Bundy. Tous jugés coupables de crimes.

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