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Au Liban, la fin de l’ère Hariri sème la confusion dans le camp sunnite

L’ancien premier ministre Saad Hariri, le 24 janvier, à Beyrouth, devant un portrait de son père, Rafic, assassiné en 2005. HUSSEIN MALLA / AP

Un parfum d’amertume flotte dans le quartier de Tarik Jdidé. Dans ce quartier sunnite de Beyrouth, l’annonce, lundi 24 janvier, par le chef de file de cette communauté, l’ancien premier ministre Saad Hariri, qu’il ne participera pas aux élections législatives de mai a eu l’effet d’un séisme. « Je le vis comme la fin des sunnites, nous n’avons plus de socle. Le Liban est mort, il n’appartient plus qu’à l’Iran et au Hezbollah, se désole Heba, une femme au foyer de 60 ans. Au moins, cheikh Saad s’est respecté en démissionnant. S’il était resté, qu’aurait-il pu promettre à son peuple ? »

Les larmes aux yeux, Saad Hariri, 51 ans, chef du gouvernement libanais à trois reprises, a reconnu son échec. Il a dit regretter les compromis passés, au fil des ans, avec le Hezbollah et ses alliés, dans l’optique d’« empêcher toute guerre civile au Liban ». « Ce souci a guidé tous mes pas, m’a fait perdre ma fortune personnelle, ainsi que certains amis à l’étranger et beaucoup d’alliés », a-t-il dit. Le parrain saoudien, excédé par ces arrangements, l’a lâché et s’est désinvesti du Liban, devenu à ses yeux un simple maillon de l’axe chiite pro-iranien. Dans la rue sunnite, où le discours anti-Hezbollah gagne du terrain, et où s’exprime le rejet des élites au pouvoir, responsables du naufrage financier du Liban, la popularité de Saad Hariri est en berne.

Acculé, le fils de l’ancien premier ministre Rafic Hariri, assassiné en 2005, a préféré jeter l’éponge, dans une décision que beaucoup disent dictée par Riyad. « A l’opposé de son père, Saad ne sait pas trop quoi faire hors du pouvoir. Pour lui, la raison d’exister du Courant du futur [mouvement politique fondé par le père, Rafic] est le Sérail [siège du gouvernement], il n’a pas d’existence dans l’opposition », décrypte Ibrahim Jouhari, un expert politique qui a été l’un de ses conseillers.

« Le gâteau va être divisé »

Si rares sont ceux qui imaginent un revirement avant les élections, personne n’ose insulter l’avenir. « Le Liban est un pays où l’on ne prédit jamais les fins », dit-on dans son entourage. Sa décision n’en marque pas moins la fin d’une ère, celle du « haririsme politique ». « Une famille politique s’éteint, c’est rare au Liban, le gâteau va être divisé », avance Nawaf Kabbara, politologue à l’université de Balamand. Une fin qui coïncide avec la faillite du modèle économique qu’a porté Rafic Hariri à son arrivée au pouvoir, en 1992.

Sa mort, dans un attentat au camion piégé, le 14 février 2005, avait propulsé Saad sur la scène politique. Dopés par le retrait des forces syriennes du Liban, le Courant du futur et ses alliés chrétiens et druzes remportent les législatives de 2005 et 2009. Hariri junior, qui a hérité de l’empire économique bâti par son père dans la péninsule Arabique, notamment l’entreprise de BTP Saudi Oger, place ses pas dans ceux du charismatique « Rafic », incarnation d’un sunnisme modéré et pro-occidental, sous influence saoudienne.

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