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Dans un Liban en faillite, un flou monétaire calculé au détriment des déposants

Devant une succursale d’une banque dans le quartier d’Achrafieh, à Beyrouth, le 20 août 2021. ANWAR AMRO / AFP

Il risque six mois de prison et une amende, mais il a reçu un vaste soutien populaire. Pour une partie des Libanais, Abdallah Al-Saï est devenu un symbole des restrictions drastiques imposées par les banques aux déposants, sur fond d’effondrement financier. Muni d’une arme et d’un bidon d’essence à enflammer, ce trentenaire a brièvement pris en otage des employés de banque, mardi 18 janvier, dans l’est du pays, et réclamé que son épargne lui soit donnée. Après avoir obtenu gain de cause, il s’est rendu aux forces de l’ordre.

La bataille est désormais engagée pour l’opinion publique. Une dizaine d’avocats se sont proposés de le défendre, voyant dans ce geste coup de poing une conséquence de la dégradation continue subie par la population libanaise. De leur côté, les banques s’offusquent des marques de solidarité témoignées à cet homme sur les réseaux sociaux, et dénoncent une extorsion au moyen de menaces. Des procédures sont en cours pour contraindre M. Al-Saï à restituer les 50 000 dollars (44 000 euros) remis à sa famille.

Depuis que la crise financière a éclaté, à l’automne 2019, les actions violentes contre les banques sont restées isolées. Mais la colère et le sentiment d’humiliation de la population, transformée brutalement en outil d’ajustement de la débâcle, sont immenses. « Je serai morte avant que la situation ne s’améliore. Regardez ce quartier, autrefois hyperactif, aujourd’hui à l’arrêt », observe, découragée, Hanane, une retraitée, devant une banque du quartier Hamra, à Beyrouth, que des ouvriers bunkérisent davantage avec des panneaux de métaux.

Plan de sauvetage sabordé

Aucune stratégie officielle n’a été instaurée, pour faire face à la dégringolade économique et financière, depuis le torpillage du plan de sauvetage préparé par l’ancien gouvernement d’Hassan Diab en 2020. La feuille de route prévoyait une répartition des pertes, en incluant gros déposants et actionnaires des banques. Ces dernières, refusant de mettre la main à la poche, avaient été en première ligne pour saborder l’initiative.

Depuis, les Libanais font face aux fluctuations de la monnaie locale sur le marché noir, et à une multiplicité des taux de change (l’officiel, ceux des retraits en banque, celui de la plate-forme de la Banque du Liban (la banque centrale, BDL) et celui du marché noir). Cette situation permet un « haircut » (ponction sur les dépôts) implicite, et laisse les ficelles du jeu entre les mains de la BDL. L’unification de ces taux est l’un des enjeux des discussions qui ont repris avec le Fonds monétaire international, lundi 24 janvier, en vue de contracter un prêt. Des pourparlers qui suscitent des inquiétudes sur le devenir des comptes des petits déposants, sur lesquels le « haircut » pourrait s’intensifier.

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