France World

Français condamné en Iran : “On fait de Benjamin Brière un instrument politique”

Publié le : 25/01/2022 – 21:49

Benjamin Brière, détenu en Iran depuis plus d’un an et demi, a été jugé et condamné à huit ans et huit mois de prison pour « espionnage » et « propagande ». Son avocat français, Me Philippe Valent, dénonce dans un entretien accordé à France 24 « un procès politique » où il y a eu « une atteinte irrémédiable aux droits de la défense ».

Après vingt mois de détention sans procès en Iran, Benjamin Brière a été jugé, le 20 janvier, devant un tribunal révolutionnaire iranien et a été condamné à 8 ans et 8 mois de prison pour « espionnage » et « propagande », a annoncé mardi 25 janvier son avocat iranien, Me Saïd Dehghan. « Cette condamnation, que rien ne permet d’étayer, est inacceptable », a aussi réagi le ministère français des Affaires étrangères.

Présenté depuis le départ comme un touriste qui visitait un parc national au nord-est de l’Iran au moment de son arrestation – pour avoir pris « des photographies de zones interdites » avec un drone de loisir, en mai 2020 –, le ressortissant français a entamé depuis un mois une grève de la faim pour protester contre ses conditions de détention.

Aujourd’hui « très affaibli » par son état de santé, comme l’explique à France 24 son avocat français Me Philippe Valent, il semble se trouver au centre d’un rapport de force diplomatique entre la France et l’Iran. Entretien.

>> À lire : « C’est de la séquestration » : la détresse des proches de Benjamin Brière, détenu en Iran

France 24 : comment s’est déroulé le procès de Benjamin Brière, que vous avez qualifié de « mascarade » ?

Me Philippe Valent : on a assez peu de détails sur le déroulé du procès de Benjamin Brière. On sait qu’aucun élément de l’accusation ne lui a été fourni avant, et il a seulement été informé à 48 h de l’audience (mardi 18 janvier, NDLR) qu’il allait être jugé, mais sans pouvoir préparer son procès et sans pouvoir présenter une défense structurée comme on peut l’imaginer dans n’importe quelle procédure judiciaire.

A partir du moment où on ne fournit pas les éléments d’accusation, les procès-verbaux, les preuves à charge pour que vous puissiez discuter au cours du procès, il y a là une atteinte irrémédiable aux droits de la défense et donc à un procès équitable. Ce sont les droits les plus élémentaires qui sont ceux de toute personne accusée dans un régime qui a un tant soit peu un qualificatif de démocratique.

Il semblerait que la procédure ait été relativement rapide le jour de l’audience et que lui sont finalement reprochés les griefs qu’on imaginait auparavant, à savoir « espionnage » et « propagande » (chefs d’accusation qui lui ont respectivement valu d’être condamné à 8 ans et à 8 mois de prison, NDLR). Le procès – qui a eu lieu à Mashhad, la ville dans laquelle il est aussi incarcéré – s’est déroulé devant un tribunal révolutionnaire, qui n’est pas une cour de justice comme on l’entend.

Cela veut-il dire que Benjamin Brière, après un an et demi de détention sans procès, est maintenant officiellement un otage politique ?

Benjamin Brière n’a pas été jugé par un organe judiciaire, c’était un procès politique devant un tribunal présidé par les Gardiens de la révolution. On fait donc de Benjamin Brière un instrument politique, eu égard aux sanctions ou aux besoins actuels qui sont ceux du régime iranien. Il est assez évident de considérer que Benjamin Brière n’est que l’otage de la politique iranienne de négociation avec les États étrangers.

Contre quoi souhaitent-ils l’échanger ? Ça, je ne le sais pas, mais ça n’a pas été un processus judiciaire limpide où on a discuté des preuves à charge et à décharge. Ce type de procès n’est effectivement utile qu’aux tractations iraniennes.

Quels recours envisagez-vous dans cette situation : faire appel judiciairement et continuer de mobiliser l’opinion publique ?

On n’a pas encore fait appel, on va en discuter sérieusement : si c’est pour revivre un nouveau procès politique qui se passerait probablement dans les mêmes circonstances que le procès de jeudi dernier, on verra si cela en vaut la peine. In fine, la décision de cet appel pourrait n’être qu’un nouveau reflet de la politique iranienne du moment. On est donc dans une expectative sérieuse et il faut qu’on prenne cette décision de manière sereine.

En attendant, on va continuer de mobiliser l’opinion publique. Je crois que les Français sont attentifs à la situation de Benjamin Brière. D’en avoir fait un procès politique, sa libération revient maintenant à une forme de décision politique. L’opinion publique est le relai de la situation dramatique de ce garçon : en détresse psychologique, il est en grève de la faim depuis un mois et ne boit que de l’eau, il est très affaibli et alterne les séjours entre sa cellule et l’infirmerie de la prison dans laquelle il est. Son état de santé devient concrètement préoccupant, et cela pourrait devenir critique. Je pense que personne, en Iran, ne veut prendre le risque d’une atteinte irrémédiable à sa santé.

Le quai d’Orsay parle d’une condamnation « inacceptable ». La libération de Benjamin Brière passera-t-elle finalement uniquement par la voie diplomatique ?

Je n’ai pas de nouvelles quant aux discussions diplomatiques qui peuvent être en cours. Je salue la réaction (du ministère français des Affaires étrangères, NDLR) car elle est importante, et je trouve finalement que l’État et le gouvernement français prennent la mesure de la dimension politique de Benjamin Brière. Et l’affirmer de la sorte est un message que devraient entendre avec beaucoup de sérieux les autorités iraniennes. On espère sincèrement que la raison finira par l’emporter dans cette affaire.

Source

L’article Français condamné en Iran : “On fait de Benjamin Brière un instrument politique” est apparu en premier sur zimo news.