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Shoah : Raphaël Esrail, président de l’Union des déportés d’Auschwitz, est décédé

Publié le : 23/01/2022 – 18:43

Raphaël Esrail, président de l’Union des déportés d’Auschwitz (UDA), est mort samedi d’un cancer à l’âge de 96 ans. Membre de la résistance juive, il avait été arrêté à Lyon, puis déporté le 3 février 1944 par le convoi numéro 67.

L’un des derniers grands témoins de la Shoah est décédé. Raphaël Esrail, président et de l’Union des déportés d’Auschwitz (UDA), est mort samedi 22 janvier d’un cancer à l’hôpital de Lannion, dans les Côtes-d’Armor, à l’âge de 96 ans, a annoncé l’UDA dimanche dans un communiqué.

« Il était l’incarnation de l’Union des déportés », a déclaré à l’AFP Isabelle Ernot, directrice scientifique de l’UDA, ajoutant : « il a été un acteur essentiel du recueil de la mémoire, de sa mise en valeur pédagogique et de sa transmission. » 

Un jeune résistant juif

Raphaël Esrail était né le 10 mai 1925 en Turquie « dans une famille juive qui émigre en France l’année suivante », rappelle l’UDA dans son communiqué. Membre de la résistance juive à Lyon où il confectionne de faux papiers, il est arrêté puis interné au camp de Drancy, avant d’être déporté à 19 ans à Auschwitz-Birkenau le 3 février 1944, par le convoi 67, le même que la famille Pikovsky auquel France 24 a consacré un webdocumentaire. 

En janvier 2020, à l’occasion des 75 ans de la libération du camp, il avait accordé un entretien à France 24 lors duquel il avait raconté ce voyage vers l’enfer : « Vous mettez des hommes et des femmes dans des wagons à bestiaux. Vous leur donnez un seau hygiénique et un seau d’eau. Ils restent trois jours sans manger. Les gens doivent faire leur besoin devant les autres. On ne traite pas les chiens de cette façon. La déshumanisation a commencé dans le train ».

Raphaël, né en 1925, a été déporté par le convoi n°67, celui de la famille #Pikovsky, le 3 février 1944. Il a écrit son histoire dans un livre intitulé « L’espérance d’un baiser ». pic.twitter.com/htaD1bZ508

— Stéphanie Trouillard (@Stbslam) January 13, 2020

« Une impression de violence »

Le 6 février 1944, c’est le choc de l’arrivée à Auschwitz-Birkenau : « La première impression est une impression de violence. C’était un matin, il faisait froid. On demande aux gens de descendre très rapidement et de laisser leurs affaires. On entend ‘schnell, schnell’. Les premières personnes que l’ont voit ce sont des personnes habillées comme des bagnards avec des espèces de pyjamas ».

« Il y a eu une séparation très nette et très franche à l’arrivée. Ce qu’on a appelé la sélection », avait-il décrit. « Je ne sais pas si vous pouvez imaginer ce que cela peut-être dans la tête de tous ceux qui avaient avec eux ce qui représentaient leur vie : leurs bagages, leurs affaires, leurs papiers, leur argent. Tout doit être abandonné. On leur dit ‘vous les retrouverez plus tard’. »

Le jeune homme est alors désigné pour le travail, contrairement à 985 personnes du convoi qui sont gazées immédiatement sur les 1214 parties de Drancy. Pendant près d’un an, il travaille dans une usine et survit dans des conditions inhumaines. « On est là pour mourir. Nous sommes dans un génocide réel. Tout le monde doit mourir », avait-il résumé. « Vous êtes un sous homme, vous n’avez aucune valeur ».


Le plus grand centre de mise à mort © Capture d’écran F24

Les marches de la mort

En janvier 1945, il affronte les marches de la mort. « Le 18 janvier 1945, le camp d’Auschwitz est évacué. 60 000 personnes sont jetées sur les routes de la Haute-Silésie. Nous partons par colonne de 500. Nous avons marché trois jours et trois nuits », s’était-il souvenu. « Partir sans rien, marcher avec des chaussures avec des semelles de bois. Il y avait des hommes et des femmes qui étaient abattus en fin de colonne dans la mesure où ils ne pouvaient pas marcher ».

De cette évacuation, Raphaël Esrail conserve l’image traumatisante de ces dernières victimes : « Je ne peux pas oublier. Ils étaient tombés comme en prière, les jambes gelées. Ils étaient mis sur le côté ». 

Il reste quelques jours à Dachau où il passe sept jours sans manger et sans boire, puis il est transféré dans un sous-camp, d’Ampfing Waldlager. Le 25 avril 1945, sous la pression des troupes alliées, ce camp est évacué. Raphaël est libéré par les Américains près du village de Tutzing le 1er mai 1945. 

« La chance m’a fait tenir », avait-il simplement expliqué avant d’ajouter : « Soit on est pris par un désespoir et on se laisse aller, soit on veut se battre. Je crois que c’est un instinct animal. Il faut que l’on tienne. Moi, j’avais une espérance de vie ». 

« L’espérance d’un baiser »

De retour en France, il retrouve « cette espérance », Liliane Badour, une jeune femme rencontrée à Drancy, elle aussi rescapée d’Auschwitz-Birkenau, dont il était tombé amoureux. Les deux survivants se marient en 1948. Raphaël Esrail racontera cette histoire dans un livre intitulé « L’espérance d’un baiser » (Robert Laffont) et publié en 2017. 

Après des études à l’école centrale de Lyon, il fait une longue carrière chez Gaz de France, jusqu’en 1988. En 1986, il devient le secrétaire général de l’Union des déportés, puis prend en 2008 la présidence de l’association, où il poursuit « une mission de savoir et de résilience que les survivants se sont donnée », précise l’UDA. 

« Infatigable témoin, président visionnaire, personnalité hors du commun, Raphaël Esrail n’est plus mais son oeuvre demeure et restera vivante. Sa présence nous entoure de sa bienveillance et de son intelligence, elle nous commande d’agir en suivant ses traces », écrit l’Union des déportés qui lui rendra hommage à Paris. Raphaël Esrail sera inhumé à Biarritz la semaine prochaine.

Avec AFP

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