Tribune. La polarisation idéologique de la campagne présidentielle est, depuis de nombreux mois, le terreau d’opérations d’interférences étrangères d’envergure qui s’organisent sur les réseaux sociaux. Le rapport sur « Les Lumières à l’ère numérique », remis le 11 janvier au président de la République par le sociologue Gérald Bronner, et les dernières déclarations d’Emmanuel Macron sur le sujet tentent d’alerter l’opinion publique sur le risque, réel, de déstabilisation politique.
Fragilisée de l’intérieur, attaquée de l’extérieur par ces nouvelles guerres de l’invisible, la France est mise à mal dans son unité et sa sécurité nationale. La numérisation de l’information a opéré un changement radical en matière d’information warfare (guerre informationnelle). Cela a fait dire au ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, dans un discours le 4 avril 2018, que ce « changement d’échelle constitue un changement de nature ».
Que ce soit pour des considérations de leadership idéologique (dans le cas des Etats-Unis ou de la Chine) ou dans un but de fragilisation des démocraties occidentales (dans celui de la Russie), l’objectif en matière de cyberinfluence est le même : garder le contrôle de l’information, devenue ressource stratégique. Les actions de manipulation de l’information s’inscrivent dans cette logique en organisant la diffusion massive de contenus, vrais ou faux, destinés à orienter les perceptions psychologiques des populations cibles.
Intoxication du tissu informationnel
En somme, l’espace public, à comprendre ici à la manière de Jürgen Habermas, théoricien allemand en philosophie et en sciences sociales, comme une unité de lieu idéalisée et fondée sur la raison, s’est fait violemment disrupter par des médias sociaux devenus les nouveaux champs mondiaux de conflictualité informationnelle. Cible en 2017, lors de l’élection présidentielle, de cyber-raids ayant interféré dans son processus électoral, la France avait bien réagi.
Sa résilience reposait alors sur sa robustesse journalistique. Ce lien de confiance éditorial a permis aux grands médias de rester la principale source d’information. Leur faible porosité aux campagnes de désinformation était renforcée par la pensée critique des « Gaulois réfractaires » et l’attrait pour le débat contradictoire, piliers de l’approche éducative française. Deux remparts non négligeables aujourd’hui fragiles. A bas bruit, les Etats offensifs orchestrent l’intoxication du tissu informationnel.
Différentes actions complémentaires sont mises en œuvre : hyperexploitation d’informations partielles, sorties de leur contexte et présentées de façon à attiser les émotions négatives ; deepfakes (techniques de modification des images de personnalités afin de leur faire dire ou faire ce que l’on veut) ; campagnes d’astroturfing (donnant artificiellement une apparence de popularité à un candidat ou à un mouvement) ; intervention de « fermes à trolls » réunissant des individus payés pour diffuser sur les réseaux sociaux des informations partiales ou créées de toutes pièces (« fake news ») ou pour s’immiscer dans les conversations les plus clivantes afin de les hystériser davantage, etc. Le but est toujours de semer la confusion, brutaliser le débat, hystériser la population.
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