Applaudi pour son ambition d’autonomie et de renforcement de la coopération européenne, critiqué pour utiliser, selon ses opposants, la tribune du Parlement européen pour servir son projet de réélection, Emmanuel Macron a présenté à Strasbourg, mercredi 19 janvier, la stratégie de la France pour son mandat à la présidence française du conseil de l’Union européenne (PFUE).
Le président français a d’abord appelé les Européens à « l’audace » pour que l’Union européenne (UE) s’affirme comme « une puissance d’avenir » et « souveraine » afin de « ne pas dépendre des autres puissances » mondiales. Illustration de cette ambition : M. Macron a souhaité que l’Europe construise « un nouvel ordre de sécurité » avec l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) face à la Russie et plaidé pour « un dialogue franc et exigeant » avec Moscou.
« Ces prochaines semaines doivent nous conduire à faire aboutir une proposition européenne bâtissant un nouvel ordre de sécurité et de stabilité. Nous devons le construire entre Européens, puis le partager avec nos alliés dans le cadre de l’OTAN, puis ensuite le proposer à la négociation à la Russie », a-t-il déclaré à ce sujet.
Intégration du droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux
« Face à la tyrannie de l’anecdote et des divisions entre Européens, nous avons à retrouver le sens de l’unité », a aussi plaidé le président français. Depuis son élection, en 2017, Emmanuel Macron se pose en chef de file des pro-européens face aux « nationalistes » et aux « populistes ». Dans son discours, il a affirmé que « ni le retour au nationalisme ni la dissolution de nos identités ne ser[aient] les réponses à ce monde qui advient », marqué par « le retour du tragique de l’histoire ». La priorité est de défendre l’Etat de droit, qui « est notre trésor » et « il s’agit partout de reconvaincre les peuples qui [en] sont éloignés ».
Pour renforcer cet Etat de droit, M. Macron a souhaité que le droit à l’avortement et la protection de l’environnement soient intégrés dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Il faut « actualiser cette charte pour être plus explicite » sur ces deux priorités, a-t-il ajouté, alors que les eurodéputés ont élu, mardi, une présidente opposée à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), la conservatrice maltaise Roberta Metsola.
L’avortement relève de la compétence des Etats et Malte est le seul des Vingt-Sept où il est complètement interdit. Mme Metsola s’est cependant engagée à défendre les positions officielles du Parlement, y compris sur ce droit-là. S’exprimant en français, elle a aussi affirmé à M. Macron qu’il pouvait « compter » sur les eurodéputés « pour apporter des réponses » aux propositions de la PFUE.
Face-à-face entre Yannick Jadot et Emmanuel Macron
M. Macron a assuré que cette ambition serait réaffirmée tout au long des six mois de la PFUE, qui a commencé le 1er janvier, même s’il n’a fait aucune allusion à l’élection présidentielle en France des 10 et 24 avril. S’il n’a pas encore annoncé officiellement sa candidature pour un second mandat, ses opposants n’ont pas manqué de l’accuser d’utiliser la PFUE pour faire campagne sans le dire.
L’ambiance s’est notamment échauffée lorsque l’écologiste Yannick Jadot, le seul candidat à la présidentielle en France élu à Strasbourg, a pris le micro pour critiquer vivement le bilan de M. Macron. « Votre Europe ne sera jamais la nôtre (…). Vous resterez dans l’histoire comme le président de l’inaction climatique, vous préférez procrastiner (…) plutôt que sonner la mobilisation générale », a-t-il lancé.
Yannick Jadot répond à Emmanuel Macron au Parlement européen, à Strasbourg, mercredi 19 janvier 2022. BERTRAND GUAY / AFP
« Quelle honte de transformer cet hémicycle en Assemblée nationale » française, lui a vivement répliqué le chef de file macroniste des eurodéputés du groupe Renew Europe, le Français Stéphane Séjourné. Mme Metsola a ensuite rappelé qu’il ne s’agissait « pas d’un débat national ».
Autre eurodéputé français à intervenir, Jordan Bardella (groupe Identité et démocratie) a focalisé ses critiques sur l’immigration, devenue un thème central dans la campagne française, en affirmant que les nations européennes ne devaient « ni disparaître, ni être remplacées, ni être submergées ». Le président par intérim du Rassemblement national a été suivi par une autre Française, l’« insoumise » Manon Aubry (groupe La gauche au Parlement européen), qui a moqué le président français en « docteur Emmanuel qui a fait beaucoup de promesses et Mister Macron qui n’en a rien à foutre de l’urgence climatique ».
« Vous avez dit quelque chose de très juste : la présidence française de l’Union européenne ne doit pas être un marchepied électoral, je pense que vous avez tout à fait raison », leur a répondu M. Macron. Avant d’ajouter ironiquement : « Donc, à plusieurs ici, vous avez eu raison de ne pas le faire. » « Vous avez très méthodiquement dit n’importe quoi sur tous les textes européens que nous avons signés », a ensuite répliqué M. Macron à propos de la prise de parole de M. Bardella. A l’issue de ce débat, le président français doit s’entretenir avec Mme Metsola avant une conférence de presse commune.
L’article Emmanuel Macron retrouve la campagne présidentielle française au Parlement européen est apparu en premier sur zimo news.