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Faciliter les investissements de long terme, mode d’emploi

Les désirs d’horizons nouveaux qui avaient marqué la sortie du premier confinement ne sont pas tout à fait éclipsés. Bernard Attali vient ainsi de remettre, ce 18 janvier, à la Caisse des dépôts (CdC) un rapport intitulé Investir à long terme, urgence à court terme. “C’est le bon moment pour réfléchir à ce que l’on veut faire demain et pour essayer d’équilibrer la mobilisation financière entre les investissements qui relèvent du long terme et ceux qui relèvent de l’immédiat”, estime celui qui fut directeur de cabinet du Commissaire au Plan, et qui est aujourd’hui conseiller au sein du cabinet d’avocats August Debouzy.

Selon lui, la pandémie de Covid-19 a souligné la nécessité d’une vision à long terme, en particulier pour la santé et l’hôpital ; et l’Etat connaît à l’occasion de la crise un impressionnant retour en grâce. “Sans l’Etat, les chefs d’entreprise reconnaissent qu’ils auraient mordu la poussière, explique Bernard Attali. On assiste à une réconciliation de l’Etat et du monde de l’entreprise.” A la puissance publique, donc, d’utiliser ce crédit renouvelé pour sortir l’économie du court-termisme boursier.

Liquidités coulant à flot

Objectif du rapport, en effet : rompre avec le paradoxe criant de la crise, où les liquidités coulent à flot sans pour autant que ne soient couverts, ni en France, ni en Europe, les besoins d’investissements dans les projets pour la transition énergétique ou dans les formations d’avenir. Les travaux dirigés par Laurent Zylberberg, directeur des relations institutionnelles de la Caisse des dépôts et auxquels ont participé notamment les économistes Patrick Artus et Jean-Paul Fitoussi, l’ex-conseiller d’Helmut Kohl, Joachim Bitterlich ou encore le directeur général de l’Association française des investisseurs, Christophe Nijdam, explorent quelques voies connues. Ils estiment indispensable de créer des obligations européennes, les Eurobonds, qui permettraient aux 27 de lever de la dette en commun, afin de financer ces projets de long terme. Ils proposent de multiplier les programmations budgétaires pluriannuelles au sein des Etats, afin de graver dans le marbre les dépenses pour les projets au long cours. Les critères de Maastricht, qui soupèsent la dette publique, devraient aussi être réévalués, afin de favoriser de tels investissements.

Mais le rapport recèle aussi quelques propositions innovantes. Il prône ainsi la constitution d’une instance européenne rassemblant économistes, responsables associatifs, chefs d’entreprise, etc. dont le but serait de définir précisément les conséquences positives et négatives à long terme des investissements. Cela afin de dépasser le seul aspect comptable et la chasse aux bénéfices immédiats. L’intégration de ces “externalités positives et négatives” permettrait par exemple, comme l’a détaillé celui qui fut aussi patron d’Air France, d’orienter les investissements vers une entreprise du tourisme centrée sur le développement local, quand une autre, plus séduisante pour les analystes financiers, repose sur son extension à l’international, et donc sur le transport aérien polluant.

Maintien du « quoi qu’il en coûte »?

Autre idée : la création d’une caisse de réassurance européenne pour asseoir les grands projets demandant une forte intensité de capital au départ – ces projets qui doivent donner naissance aux futurs Tesla, mais qui peinent à lever des fonds privés. “Il est nécessaire de permettre des investissements plus risqués, et pour cela, il faut que les investisseurs bénéficient de garanties publiques”, estime Laurent Zylberberg.

Cette mobilisation de la puissance publique a-t-elle pour corollaire le maintien grand ouvert des vannes du “quoi qu’il en coûte” ? Le rapport note par exemple : “Il arrive parfois que, dans certains secteurs, des dépenses de fonctionnement soient aussi indispensables que des dépenses en capital” pour dessiner l’avenir. Une phrase à faire se dresser les cheveux des partisans d’un retour à la rigueur qui estiment que la “caisse” a été “cramée”, selon les termes de Valérie Pécresse.

Mode d’emploi pour France 2030

“Le capital humain, la formation des hommes sont effectivement autant de dépenses de fonctionnement nécessaires pour aborder le long terme, assume Bernard Attali. Pour autant, nous n’exprimons pas de recommandation sur le maintien ou non du “quoi qu’il en coûte”. Car la réflexion sur la nécessité de l’investissement à long terme se pose aussi dans le cadre d’enveloppes budgétaires réduites.”

Le rapport de cette commission présidée par Bernard Attali doit être porté au niveau de l’Association européenne des investisseurs de long terme, qui regroupe les homologues européens de la CdC. Il a également vocation à nourrir la présidence française du conseil de l’Union européenne. Nul doute que le document trouvera aussi sans peine le chemin de l’Elysée, alors qu’Emmanuel Macron cherche toujours un mode d’emploi à son programme France 2030.

 

 

 

 

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