En l’espace de quelques minutes, Haïti a vécu l’exacte combinaison de violence et de spectacle macabre qui accompagne la chute vertigineuse du pays depuis de trop nombreuses années. Ce 17 octobre 2021, plus de trois mois après l’assassinat du président Jovenel Moïse, abattu chez lui, dans sa résidence privée, d’une douzaine de balles dans le corps, le premier ministre, Ariel Henry, est délogé, à coups d’armes à feu, d’une cérémonie en hommage à Jean-Jacques Dessalines, le père de l’indépendance.
L’auteur du coup de force, le chef de gang Jimmy Chérizier, surnommé « Barbecue » pour sa propension à brûler ses victimes dans leur maison, est ensuite venu solennellement déposer la traditionnelle gerbe de fleurs sur ce lieu de célébration de Pont-Rouge, un quartier de Port-au-Prince.
A visage découvert, cet ex-agent de police tout de blanc vêtu avec une cravate noire, la tenue vestimentaire exigée par les autorités, s’est incliné devant un portrait du président défunt qu’il a présenté comme « un modèle » et « un homme extraordinaire » qui combattait le système corrompu de l’île. Sur les tee-shirts des membres du gang, tous encagoulés, on pouvait lire « Jistis pou Jovenel », « justice pour Jovenel Moïse ». Puis, avant de quitter les lieux en promettant de le venger, « Barbecue » a harangué la foule aux cris de : « Nous avons faim ! Nous avons faim ! »
La scène, aussi grotesque que tragique, illustre l’abîme dans lequel est plongé le pays, déjà le plus pauvre et le plus violent du continent. La guerre des gangs, dont on disait qu’elle avait atteint son paroxysme durant les semaines précédant l’assassinat du président, s’est encore intensifiée. Au moins 950 enlèvements ont été recensés en 2021 selon le Centre d’analyse et de recherche en droits humains, basé à Port-au-Prince, avec une accélération ces derniers mois. Le 1er janvier, le premier ministre, qui assure de fait la gestion des affaires courantes depuis la disparition de Jovenel Moïse, a dû encore fuir la ville de Gonaïves, à 150 kilomètres au nord de la capitale, après des affrontements entre la police et des groupes armés lors de la fête nationale.
« Compromissions de l’Etat »
L’enquête sur le meurtre du président, elle, est au point mort. Plusieurs citoyens haïtiens, dont 20 agents de la police nationale d’Haïti (PNH), trois Américains d’origine haïtienne et 18 ressortissants colombiens ont certes été incarcérés durant l’été à la prison de Port-au-Prince, pour leur rôle présumé dans l’assassinat. Mais six mois après les faits, si incroyable que cela puisse paraître, aucune instruction judiciaire n’est actuellement menée par le magistrat chargé du dossier.
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