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Pour l’anniversaire du Brexit, le champagne se boit à la pinte

Chronique. Voilà plus de trente ans que Boris Johnson cultive jusqu’à l’excellence ce talent de raconteur de mensonges sur la question européenne. Il prend un fait vaguement relié à la réalité, le tord et l’amplifie pour en faire une histoire fausse, mais qui capture l’imagination du grand public. Quand il était journaliste à Bruxelles, l’actuel premier ministre britannique a ainsi caressé ses lecteurs eurosceptiques dans le sens du poil en écrivant que les « eurocrates » allaient imposer un test d’odeur au fumier pour qu’il soit le même partout au sein de l’Union européenne (UE) ; que le bâtiment de la Commission allait être détruit et remplacé par une immense tour, forcément démesurée ; et que les Italiens avaient demandé de fabriquer des préservatifs plus petits… Tout cela était absurde, mais semblait vaguement crédible, renforçant l’image d’une Europe tatillonne et déconnectée des réalités.

Et voilà que deux jours avant Noël, le Daily Telegraph, le quotidien pour lequel le premier ministre a travaillé pendant des décennies, sortait une histoire typiquement johnsonienne. Maintenant que le Royaume-Uni était « libéré » des règles européennes, clamait le journal, la bouteille de champagne de la taille d’une pinte allait faire son grand retour. Winston Churchill lui-même en raffolait, paraît-il, affirmant que 0,57 litre était exactement le volume qu’il lui fallait, « assez pour deux au déjeuner ou un au dîner ».

Le fait est que la législation européenne impose la vente de vin ou de champagne dans des bouteilles qui sont des multiples de 0,75 litre. Mais désormais, a assuré « une source gouvernementale » au Daily Telegraph, cette injustice va être rectifiée : « Les bouteilles d’une pinte ont été victimes de la guerre de l’UE contre les mesures impériales. (…) Maintenant que nous [en] sommes sortis, nous pouvons nous débarrasser de règles comme celle-ci. » L’information a fait le tour du monde : elle est drôle, simple, et, le 23 décembre, il ne se passait pas grand-chose d’autre.

Sauf que personne ou presque ne réclamait une telle réforme. « Aucun fabricant de vin ne travaille sur ce sujet nulle part, s’agace, sur Twitter, Daniel Lamberts, un importateur de vin basé au Pays de Galles. C’est n’importe quoi, pas vrai, un mensonge, une invention. »

Le maigre bilan du « Singapour-sur-Tamise »

L’affaire ne serait qu’une anecdote frivole si elle n’illustrait pas une vérité désagréable pour les brexiters : un an après la sortie officielle du pays du marché unique, ils ont bien du mal à trouver des exemples de ses bienfaits. L’économie ne s’est pas effondrée mais le commerce avec l’UE a quand même baissé de 15 % environ. Leurs rêves d’un grand feu de joie des réglementations européennes se sont envolés. Les pionniers du Brexit parlaient de réduire l’encadrement des horaires de travail, de déréguler la finance, d’autoriser les organismes génétiquement modifiés… De créer une sorte de « Singapour-sur-Tamise », se moquaient les opposants. Rien de tout cela ne s’est passé. La démission, le 19 décembre, de David Frost, le ministre du Brexit, partisan de cette ligne dérégulatrice, reflète la défaite des pionniers du Brexit.

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