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PortraitGrâce à son ONG Civitas Maxima, cet avocat suisse se bat depuis des années pour que l’on n’oublie pas les victimes des guerres civiles passées en Afrique de l’Ouest, et pour que les coupables, réfugiés à l’étranger, rendent des comptes.
Dans ce salon de thé genevois, ses longs bras s’animent au fil de la rencontre, franchissent peu à peu la table, s’étirent vers son vis-à-vis jusqu’à lui toucher le bras et tapoter du doigt sur son bloc-notes. Alain Werner a l’art d’expliquer, d’insister, de marteler, tout entier dévoré par sa cause, obnubilé par le temps qui passe, effaçant les mémoires et emportant les souvenirs. Voilà pourquoi cet avocat de 49 ans, fondateur, en 2012, de la petite ONG suisse Civitas Maxima, s’efforce de collecter les preuves des atrocités perpétrées dans deux pays d’Afrique de l’Ouest, le Liberia et la Sierra Leone, à la fin des années 1990, sur fond de guerre civile.
Il le sait, seul ce travail tatillon et ardu permettra aux victimes de demander justice et aux tribunaux de juger les accusés. A son tableau de chasse figurent déjà huit trophées, arrachés à force d’obstination. Huit procédures ouvertes aux Etats-Unis, en Suisse, au Royaume-Uni, en Belgique, en Finlande et même en France, où le procès d’un ancien rebelle libérien devrait s’ouvrir cette année. « Nous déposerons de nouvelles plaintes entre 2022 et 2025 », promet le juriste. Son confrère parisien William Bourdon apprécie en connaisseur : « Du travail de haute couture. »
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Rejeton d’une vieille famille genevoise, le jeune Werner voulait devenir journaliste. Finalement, il a opté pour le droit, manière de s’inscrire dans la lignée paternelle – un grand-père juge, un père spécialiste de l’arbitrage international. Alain, lui, deviendra avocat, comme ses « héros », les pénalistes ayant défendu son beau-père adoré, un banquier croisé derrière les barreaux par sa mère, visiteuse de prison. « J’ai eu la chance de faire des rencontres qui m’ont aiguillé », confie-t-il pudiquement.
Après sa licence, l’étudiant prend le large pendant deux ans. Direction Londres, où il sert le petit déjeuner dans des hôtels de luxe, puis l’Australie et l’Asie, jusqu’à la Papouasie-Nouvelle-Guinée. « Le retour au droit et à Genève, en 1999, a été assez compliqué », dit-il avec euphémisme. Après ses deux années de stage professionnel, il doit s’y reprendre à trois fois pour décrocher son diplôme, tout effectuant des missions d’observation judiciaire en Tunisie avec la Ligue suisse des droits de l’homme.
La fragilité de la preuve
En 2002, il s’inscrit à l’université Columbia, à New York, « pour acquérir l’indispensable vernis anglo-saxon ». L’un de ses professeurs s’appelle Reed Brody, alias le « chasseur de dictateurs ». Cet avocat, porte-parole de l’ONG Human Rights Watch, est une figure de la lutte contre l’impunité des « seigneurs de guerre ». Alain Werner rêve de lui emboîter le pas. Un an plus tard, son master américain en poche, il postule donc aux tribunaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie. Déception : on ne lui répond même pas. « J’étais angoissé, je n’avais plus d’argent, et je ne voulais pas rentrer à Genève », raconte-t-il.
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