A Megève, les remontées mécaniques ont bien ouvert le 18 décembre comme prévu, et convoient les skieurs vers les 450 kilomètres de pistes du domaine des Portes du Mont Blanc. Mais alors que l’ambiance était quasi euphorique fin novembre en raison de l’excellent enneigement, la cinquième vague de Covid a douché les plus enthousiastes. Les gestes barrières ont été renforcés. Et, grande nouveauté de la fin d’année, le masque est devenu obligatoire sur les remontées mécaniques. « Au début de la journée, les clients sont assez disciplinés, mais il est vrai qu’ensuite, les masques tombent ou glissent » , reconnaît Laurent Reynaud, le délégué général des Domaines skiables de France (DSF).
Autre conséquence, les fêtes ont été très sages. « J’ai dû annuler les festivités du Nouvel an et décommander le DJ qui devait officier en plein air pour la Saint-Sylvestre, ainsi que les pots d’accueil hebdomadaires du samedi soir offerts aux nouveaux arrivants » , se désole Catherine Jullien-Brèches, la maire de la commune. L’édile doit faire un comptage quotidien des agents municipaux afin de prévoir des remplaçants à ceux qui sont malades ou en isolement. « La commune exploite elle-même le domaine de ski nordique, qui risque à tout moment de fermer en raison du manque de pisteurs disponibles. »
Main-d’œuvre décimée
Les vastes domaines gérés par les grands opérateurs, tels que la Compagnie des Alpes, réussissent à trouver des remplaçants, mais les petites stations indépendantes sont obligées de fermer des pistes par manque de personnel qualifié, qu’ils soient positifs, cas contacts… ou non vaccinés. Sur les 18.000 personnes travaillant sur les domaines skiables français (pisteurs, dameurs, caissiers…) 20 à 25% n’étaient pas vaccinés en septembre dernier et quelque 5% auraient préféré décliner un job plutôt que de subir une injection. Plus généralement, Omicron impacte l’ensemble de l’industrie des sports d’hiver, qui, avec les commerces et services, emploie 1.205 000 personnes et pèse près de 15% du marché touristique français.
Ainsi, les hôteliers et restaurateurs doivent jongler entre les annulations de réservation de dernière minute et le casse-tête structurel de la pénurie de main-d’œuvre, que les cas de contamination parmi les salariés ne fait qu’aggraver. « Les saisonniers ont été recrutés en septembre, bien avant cette cinquième vague du virus », rappelle Laurent Reynaud. Depuis, le variant Omicron a surpris par sa contagiosité et sa propension à toucher les jeunes travailleurs de moins de 30 ans, une population qui se croyait invincible, et vitale pour l’économie de l’or blanc. La situation la pire est celle des exploitants de discothèques dans les stations, qui ont carrément dû fermer leurs portes dès le 10 décembre. Ils crient à l’injustice, quand tant de restaurants de montagne dits « festifs » (lire ci-dessus) sont ouverts jusqu’à 2 heures du matin et peinent à faire respecter les gestes barrières. « Nous ouvrons tous les jours avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête », confie l’un d’eux. Ainsi, un restaurant de Megève dont les neuf salariés ont été testés positifs a dû fermer ses portes pendant dix jours, juste avant les fêtes.
Parmi les rares clusters connus de décembre, le Club Med a pu éviter la fermeture de son resort de Val Thorens (Savoie), en confinant dans leurs chambres plusieurs GO positifs. Mais il a fallu diminuer la capacité d’accueil et rediriger des dizaines de clients vers d’autres villages, voire proposer à certains d’aller passer des vacances de rêve… à la plage. Dès le 21 décembre, l’Agence régionale de santé (ARS) avait remarqué « une situation épidémique évoluant de façon très préoccupante dans les stations de la vallée de la Tarentaise » . Le Club Med plaide que si le virus a été détecté là, c’est justement parce qu’il a instauré une politique stricte de tests. « Nous avons mis en place des procédures très rigoureuses avec un “safe together manager” (sic) dans chaque site et la promesse que chez nous, personne n’est laissé à son propre sort », affirme le Club, qui se veut le « champion des vacances sereines au temps du Covid » .
« La saison s’annonce dramatique pour nombre de nos entreprises, hôtels, voyagistes ou loueurs de matériel, qui peuvent parfois dépendre à 80% des Britanniques. » Patrick Martin, commerçant et maire de Val d’Isère (Savoie).
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Défaut britannique
Outre ces avanies, le gros coup dur pour les stations alpines est la défection de la clientèle britannique, qui vient habituellement en masse en décembre et même en janvier, avant que les skieurs français débarquent en février. Les entrées depuis le Royaume-Uni, frappé de plein fouet par Omicron, ont été limitées dès le 16 décembre à des « motifs impérieux », excluant le tourisme.
« Beaucoup d’Anglais sont quand même venus à Noël, pariant sans doute sur l’indulgence des douaniers , indique Patrick Martin, commerçant et maire de Val d’Isère (Savoie). Mais la suite de la saison s’annonce dramatique pour nombre de nos entreprises, hôtels, voyagistes ou loueurs de matériel, qui peuvent parfois dépendre à 80% des Britanniques. » Première clientèle étrangère, elle pèse 10 à 15% des recettes des stations françaises.
Mais « les grandes stations des Alpes, telles que Val d’Isère et Courchevel, les attirent beaucoup plus que les plus petites du Jura ou des Pyrénées, qui pourraient mieux tirer leur épingle du jeu avec une clientèle plus locale » , explique Jean-Baptiste Lemoyne, ministre du Tourisme, qui promet de réorienter les budgets de communication prévus pour le marché anglais vers des campagnes incitant les Français à aller skier en février. C’est là que se jouera la saison.
Pierre & Vacances, miraculé, remonte la pente.C’était le grand groupe de tourisme dont on craignait la chute, après celle du voyagiste Thomas Cook il y a deux ans. Mais Pierre & Vacances-Center Parcs, leader européen des résidences de vacances, né à Avoriaz en 1967 et présent aux Ménuires et à Val d’Isère, a finalement été sauvé. Son fondateur, Gérard Brémond, 84 ans, a lâché le contrôle (passant de 49,6% à 4%) et les commandes au profit d’un trio d’investisseurs jusqu’ici créanciers (Alcentra, Fidera) et bailleur (Altream). Après 677 millions d’euros de pertes sur ses deux derniers exercices, et lesté d’une dette qui a dépassé le milliard d’euros depuis le début de la pandémie, l’entreprise avait un besoin vital d’être renflouée: avec cet accord, 200 millions de fonds propres doivent être injectés et plus de 550 millions de dettes convertis en capital. Avec 300 résidences et villages, 50.000 appartements commercialisés sous les marques Center Parcs, Pierre & Vacances, Maeva et Adagio, ce groupe ne manque pas d’attractivité, mais doit abandonner le concept imaginé par Brémond, où les appartements sont achetés par des particuliers qui lui en confient la location. Trop risqué, inadapté aux petits propriétaires. Désormais, ce sont des institutionnels qui détiendront les murs, capables de maintenir les lieux au goût des consommateurs, mais aussi de supporter les aléas épidémiques.
Résidence Pierre & Vacances à Avoriaz. Le groupe compte 300 sites, un maillage attractif.
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