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“C’est de la séquestration” : la détresse des proches de Benjamin Brière, détenu en Iran

Vingt mois après son arrestation et son incarcération dans le nord-est de l’Iran, un rassemblement de soutien à Benjamin Brière est organisé, samedi, à Paris. Ce Français de 36 ans, qui parcourait le pays, est notamment accusé d’ »espionnage ». Mais aucune cour n’a été saisie depuis plus d’un an et demi. Sa sœur a confié son désarroi à France 24.

« On veut montrer que Benjamin Brière existe, que ce n’est pas un otage dormant qui attend que ça se passe ». Inquiets, impuissants, les proches de ce touriste français, détenu en Iran depuis mai 2020, organisent un rassemblement de soutien, samedi 8 janvier, place du Trocadéro, à Paris, afin qu’il soit libéré. « Il n’y a aucun élément qui soit valable pour le garder là où il est », martèle sa sœur, Blandine Brière, contactée par France 24. « C’est de la séquestration ».

Benjamin Brière, 36 ans, était parti en van, sillonnant les routes d’Iran comme il l’avait fait plus tôt en Scandinavie, dans les Balkans et en Turquie. Son périple s’est achevé il y a maintenant vingt mois, lors de son arrestation par les forces de sécurité iraniennes dans une zone désertique située à la frontière entre l’Iran et le Turkménistan.

Il lui est reproché d’avoir pris « des photographies de zones interdites » avec un drone de loisir dans un parc naturel et de s’être interrogé, via un post sur les réseaux sociaux, sur le port obligatoire du voile islamique pour les femmes iraniennes.

Détenu depuis dans la prison Vakilabad de Machhad, dans le nord-est du pays, il est accusé d’ »espionnage » et de « propagande » contre le système politique de la République islamique d’Iran. Des chefs d’accusation passibles de plusieurs années de prison, et jusqu’à la peine de mort pour ce qui est de l’espionnage.

Pourtant, jusqu’ici, toujours pas de procédure judiciaire. « Aucune cour n’a été saisie, explique sa sœur. Il y a juste ces deux accusations qui sont tombées aux oreilles de l’avocat ».

Ce dernier, – Saeid Dehghan, également avocat de la chercheuse franco iranienne Fariba Adelkhah, assignée à résidence à Téhéran depuis presque deux ans – a dénoncé cette situation, le 27 décembre dernier sur Twitter. « Qu’attend le tribunal révolutionnaire de Machhad pour étudier les accusations politiques retenues contre Benjamin Brière qui est maintenu en détention depuis 570 jours ? »

ظاهرا مهم نیست که یک توریست خارجی دومین #کریسمس خود را در زندان‌های ایران می‌گذراند.
اما او بخاطر محرومیت از تماس با خانواده برای این مناسبت، دست به #اعتصاب_غذا زده است.

دادگاه انقلاب مشهد برای رسیدگی به اتهامات سیاسیِ #بنجامین_بریر که اکنون ۵۷۰ روز در بازداشت است، منتظر چیست!؟ pic.twitter.com/m6zQsD9thl

— Saeid Dehghan (@vakilroaya) December 27, 2021

« On n’a aucun dossier, c’est complètement obscur », déplore Blandine Brière, qui estime que son frère est aujourd’hui « un otage des autorités iraniennes ».

Détresse psychologique

« Ce n’est qu’un touriste et rien ne justifie le fait de passer autant de temps en prison sans raison et avec aussi peu de contact avec sa famille », poursuit la jeune femme de 31 ans.

Des nouvelles de son frère, elle en a environ toutes les trois semaines, quand les autorités sur place le veulent bien, raconte-t-elle. « C’est un combat continu ». Quand elles sont permises, leurs rares conversations sont enregistrées puis traduites [en persan]. Si bien qu’il est impossible à Benjamin Brière de parler librement de ce qu’il vit au quotidien.

Torture psychologique, courriers non-transmis, conversations enregistrées… Le 25 décembre dernier, depuis sa prison, il a alors entamé une grève de la faim pour protester contre ses conditions de détention après que les autorités ont refusé de le laisser communiquer avec sa famille pour les fêtes de fin d’année.

Si les visites du consul (autorisées au titre de la protection consulaire dont il bénéficie en vertu de la Convention de Vienne du 24 avril 1963) permettent de s’assurer de l’absence de maltraitances physiques, ses proches s’inquiètent, en revanche, de la détresse psychologique dans laquelle se trouve Benjamin Brière depuis plus d’un an et demi.

« De temps en temps on lui autorise les coups de fil, de temps en temps, non. Autour de lui, personne ne parle ni français, ni anglais, donc il se bat tous les jours pour essayer de communiquer », abonde sa sœur, qui évoque également la peur de Benjamin face au sort réservé à ses codétenus condamnés à mort. « Il entend et comprend ce qui se passe autour de lui. Il est dans un climat effrayant, et ça crée des traumatismes ».

Dans ses démarches, la famille de Benjamin Brière est assistée par Saeid Dehghan, qui travaille en collaboration avec une consœur sur place. En France, un avocat les aide également dans leurs contacts avec le gouvernement et la gestion des courriers diplomatiques.

En mai dernier, Blandine Brière a écrit une lettre ouverte au président Emmanuel Macron, lui demandant d’ »employer tous les moyens diplomatiques possibles pour obtenir [sa] libération ». Pas de réponse. En contact constant avec le ministère des Affaires étrangères, celle-ci ne souhaite blâmer personne, dit-elle. « Le Quai d’Orsay fait ce qu’il peut dans la mesure du possible pour Benjamin. Je sais qu’ils font ce qu’ils peuvent. C’est juste que pour nous, après vingt mois, ce n’est pas suffisant ».

« Crier haut et fort que c’est un malentendu »

Benjamin Brière est le seul occidental connu détenu en Iran à ne pas avoir de passeport iranien.

À ce jour, plus d’une douzaine de détenteurs de passeports occidentaux, pour la plupart des binationaux, sont détenus en Iran. Une situation condamnée par les ONG, qui évoquent une politique de prise d’otages destinée à obtenir des concessions des puissances étrangères.

Au cours des dernières années, la République islamique a procédé à plusieurs échanges de détenus avec des pays étrangers.

La chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah est détenue depuis juin 2019 et a été condamnée, en mai 2020, à cinq ans de prison pour atteintes à la sécurité nationale. Elle est aux arrêts domiciliaires depuis octobre 2020.

Son compagnon Roland Marchal, également chercheur, avait été détenu avec elle, avant d’être libéré en mars 2020, après que Paris eut libéré l’ingénieur iranien Jallal Rohollahnejad, dont les États-Unis réclamaient l’extradition pour violation des sanctions américaines contre l’Iran.

« On veut crier haut et fort que c’est un malentendu », affirme Blandine Brière, qui répète que son frère n’est absolument pas un espion, mais un simple touriste. « Il a utilisé un drone, mais on parle d’un drone acheté 100 euros sur Internet. Ça ne justifie pas tout ça », poursuit-elle.

Démunie face à une telle situation sur laquelle elle n’a aucune prise, elle sera donc sur la place du Trocadéro, samedi, pour rassembler autour de la cause de son frère. Une pétition en ligne a également été lancée, dans laquelle Blandine Brière rappelle qu’il est détenu dans l’illégalité, la justice iranienne n’ayant toujours pas décidé quel tribunal allait le juger.

Adressé à Emmanuel Macron, le texte a déjà récolté près de 44 000 signatures. « On est complètement désemparés », achève la jeune femme. « Nous sommes des gens lambda qui demandons de l’aide à qui veut bien l’entendre ».

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