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CAN-2022 : Amir Abdou, l’étincelle de la première coupe d’Afrique des Comores

Pour la première fois de son histoire, l’archipel des Comores s’est qualifié pour la phase finale de la CAN (Coupe d’Afrique des Nations). Un exploit qui doit beaucoup à son sélectionneur, Amir Abdou, qui a patiemment bâti une équipe compétitive, s’appuyant sur la vaste diaspora.

Il y a des 0-0 qui procurent davantage d’émotions que d’autres. Celui du 25 mars 2021, entre les Comores et le Togo, est de ceux-là. Ce score nul et vierge était synonyme de première phase finale de CAN pour ce petit archipel peuplé de 870 000 habitants, coincé dans les eaux chaudes du canal du Mozambique, au sud-est de l’Afrique. La fête est telle que le président lève de manière exceptionnelle les mesures sanitaires pour permettre au pays de célébrer l’événement comme il se doit.

Au milieu des festivités, un homme, âgé de 49 ans, est érigé en héros national : le Franco-Comorien Amir Abdou, sélectionneur depuis 2014, qui a patiemment conduit les ​Cœlacanthes – poisson vivant uniquement dans l’archipel – vers ce moment historique.

Les sélectionneurs locaux de la CAN-2022

 

« Ça a été beaucoup, beaucoup de travail pendant des années avec le staff. C’est énormément d’acharnement, de pugnacité. On n’a rien lâché », savourait-il juste après ce match.

Un miracle signé Abdou

Quand Amir Abdou est arrivé sur le banc des Comores, l’équipe végète à la 198e position du classement Fifa (sur 210 au total), instance à laquelle la fédération comorienne n’est affiliée que depuis 2005. Depuis, le pays a grimpé dans la hiérarchie du football mondial au point de disputer sa première Coupe d’Afrique des Nations.

Un véritable miracle ! Car, avant l’arrivée d’Amir Abdou, la sélection était au fond du trou. Éliminée sans gloire des qualifications de la CAN-2012, elle connaît deux années blanches durant lesquelles la petite nation est contrainte de déclarer forfait, en raison d’un manque de moyens financiers. L’équipe reste deux ans sans jouer et l’entraîneur d’alors, Ali Mbaé Camara, finit par démissionner.

« La fédération cherche alors un sélectionneur qui va comprendre les mentalités comoriennes, capable de travailler avec peu de moyens dans une fédération jeune. Sa préférence va donc vers un sélectionneur local ou en tout cas africain », se remémore Boina Houssamdine, journaliste pour Comoros Football 269, interrogé par France 24.

La fédération choisit alors Henri Stambouli, nom prestigieux passé par l’OM, ainsi que par les bancs de la Guinée et du Mali. Amir Abdou, alors entraîneur de Golfech (Tarn-et-Garonne), est approché pour devenir adjoint, notamment grâce à la prestation de son équipe lors d’un cinquième tour de Coupe de France. Son club, en division d’honneur (la sixième division française), terrasse les semi-pros de Luzenac (National, la troisième division).

Cependant, au dernier moment, Henri Stambouli refuse le poste et Amir Abdou est propulsé entraîneur principal. Voilà ce qui est à l’origine de la plus belle histoire de la CAN-2022.

Pour autant, Amir Abdou garde la tête froide. À cette époque, il est quasiment bénévole pour la fédération des Comores, défrayé pour ses déplacements et payé à la mission à chacun de l’un des quatre ou cinq rassemblements des ​Cœlacanthes. Le reste de l’année, il conserve son emploi de fonctionnaire territorial au service jeunesse de la mairie de Bon-Encontre (Lot-et-Garonne), près de là où il entraîne.

Une équipe construite autour de la diaspora

Patience, détermination, passion. Petit à petit, Amir Abdou va s’employer à bâtir un effectif compétitif pour les Comores. À cette époque, la sélection se compose déjà à plus de 90 % de joueurs nés et évoluant en France, la diaspora comorienne se partageant entre Paris et Marseille. Mais tous ou presque jouent au mieux à des niveaux amateurs. Le championnat des Comores n’est même pas une option :

« Il a construit son équipe autour de la diaspora. Aux Comores, le football local n’est pas assez structuré et professionnel pour constituer un vivier compétitif », résume le journaliste Boina Houssamdine. « Il s’est employé à rencontrer les Comoriens qui évoluaient dans les divisions amateurs en France ainsi que les quelques professionnels. Il est allé les chercher, il fallait les convaincre. Il fallait leur proposer un projet avec un passif historique compliqué. »

Les binationaux se laissent petit à petit convaincre par le projet. Avec l’appui de l’historique Kassim Abdallah, capitaine de la sélection depuis 2007, Amir ​Abdou fait débarquer Ali Ahamada (alors gardien de Toulouse), Djamel Bakar (alors à Montpellier) ou encore El Fardou Ben Nabouhane (alors à l’Olympiakos).

Renforcée, la sélection obtient rapidement des premiers résultats, avec notamment un match nul contre le Burkina Faso, récent vainqueur de la CAN-2013, et un autre nul contre le Ghana. Et un cycle vertueux s’enclenche. Convaincu par les progrès, de plus en plus de joueurs professionnels comoriens cèdent aux avances de la sélection.

« Aujourd’hui, on a des joueurs qui disputent la Ligue des champions et la Ligue Europa. Amir ​Abdou a fait un travail de longue haleine », s’enthousiasme Boina Houssamdine.

Amir Abdou attend 2017 pour devenir officiellement salarié de la fédération. Sa notoriété naissante lui ouvre aussi en décembre 2020 les portes du Football Club Nouadhibou, en Mauritanie. Un club qui domine le championnat local et qui dispute la Ligue des champions africaine.

« La fierté de tout un peuple »

Sous la houlette de Amir Abdou, les Comores remportent le premier match officiel de leur histoire en mars 2016 contre le Botswana. Puis la plus belle des campagnes de qualification qui les voient restés invaincus pendant 5 journées, leur assurant la qualification au nez et à la barbe du Kenya et du Togo.

« C’était un moment de fierté pour tout un peuple. Pour la première fois, les Comores allaient être à la CAN. C’était aussi une récompense pour l’aboutissement d’un travail de quinze ans », résume Boina Houssamdine. « Quand on parle des Comores, ce n’est jamais pour des choses valorisantes. Cette qualification, c’est aussi l’occasion de parler des Comores d’une autre manière. »

De quoi assurer une place au Panthéon local au natif de Marseille. 

« Il est plus populaire que le président. Aux Comores, on ne connaît que notre président et les artistes de la diaspora comme Soprano ou Rohff. Et désormais, il y a Amir Abdou. C’est devenu un modèle de réussite pour tous les Comoriens. Il a montré qu’à force de travail, on finit par y arriver », loue Boina Houssamedine.

Et le sélectionneur et son équipe d’outsiders arrivent avec de grandes ambitions au Cameroun, malgré un tirage au sort défavorable : les Comores se retrouvent dans un « groupe de la mort » composé aussi du Gabon, du Maroc et du Ghana. 

« L’ambition des Comores est de sortir des groupes pour montrer qu’on n’est pas ici par hasard. Après chaque match, ce sera du bonus et on espère être la belle histoire comme Madagascar en 2019 », explique le journaliste Boina Houssamdine. « L’autre ambition, c’est de préparer les autres échéances et que cette première CAN ne soit pas la dernière. »

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