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A Kigali, quatre morts et vingt-sept ans de doutes

Par Pierre Lepidi

Publié aujourd’hui à 00h35

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Récit« Rwanda, l’enquête impossible » (2/2). Depuis avril 1994, la justice n’a jamais cherché à établir qui a tué les gendarmes Maier et Didot, l’épouse de ce dernier et leur gardien rwandais. Pour les familles des victimes, la vérité semble irrémédiablement enfouie dans les tréfonds de la grande histoire.

Dans la soirée du mercredi 13 avril 1994, un C-130 de l’armée française se pose sur le tarmac de l’aéroport de Bangui, en Centrafrique. Cet avion en provenance du Rwanda transporte les corps de deux gendarmes français spécialisés dans les transmissions radio, René Maier et Alain Didot, ainsi que celui de Gilda, l’épouse de ce dernier. Après leur mort dans des circonstances obscures, ils ont été retrouvés enterrés dans le jardin de la maison qu’occupait le couple Didot à Kigali, puis mis en bière par des militaires français à l’aéroport de la capitale rwandaise. Qui les a tués, et pourquoi ? Vingt-sept ans après, un voile de mystère entoure toujours cette affaire. Une question, notamment, reste en suspens : existe-t-il un lien entre ce quadruple homicide et l’attentat, commis le 6 avril 1994, contre l’avion du président rwandais, Juvénal Habyarimana, un événement qui a déclenché le génocide des Tutsi ?

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Pour tenter de le savoir, il faut d’abord revenir au vendredi 15 avril et au rapatriement en France des dépouilles mortelles. Dans un hangar glacial de l’aéroport du Bourget, un hommage militaire est rendu aux Français, ainsi qu’aux trois membres d’équipage (Jacky Héraud, Jean-Pierre Minaberry, Jean-Michel Perrine) morts huit jours plus tôt dans l’attentat contre le Falcon présidentiel. Devant les proches des défunts, le ministre de la coopération, Michel Roussin, accroche la Légion d’honneur aux six cercueils recouverts du drapeau tricolore. Dans son allocution, il cite Chateaubriand : « Les vivants ne peuvent rien apprendre aux morts. Les morts, au contraire, instruisent les vivants. »

Au volant d’une Jeep de l’ONU, le casque bleu Jean Thiry arrive à l’aéroport de Kigali le 13 avril 1994. Dans sa remorque se trouvent les corps de René Maier et d’Alain et Gilda Didot. ECPAD A l’aéroport de Kigali, le 13 avril 1994, la mise en bière des corps de René Maier et d’Alain et Gilda Didot. ECPAD

Mais, à ce stade, l’histoire reste opaque. « Alain Didot s’est distingué en accomplissant sa difficile et éprouvante mission, au cours de laquelle il a été pris en otage à son domicile et abattu par des éléments incontrôlés », déclare un porte-parole de l’armée dans son éloge funèbre. Un scénario du drame, repris par les autorités françaises, se dégage tout de même. Il se fonde en partie sur le témoignage de cinq personnes réfugiées chez les Didot, puis à l’Hôtel Méridien. Selon ce scénario, les responsables des homicides seraient des soldats du Front patriotique rwandais (FPR), un mouvement politico-militaire composé essentiellement de Tutsi venus d’Ouganda, en guerre avec les Forces armées rwandaises (FAR), soutenues par la France. Une fois dans la maison, les soldats du FPR auraient fait sortir les réfugiés, puis auraient abattu les trois Français et leur gardien rwandais, Jean-Damascène Murasira.

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