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Le mystère des gendarmes français assassinés à Kigali

Par Pierre Lepidi

Publié aujourd’hui à 02h44

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Récit« Rwanda, l’enquête impossible » (1/2). En avril 1994, au moment où le pays sombre dans le chaos, deux gendarmes français et l’épouse de l’un d’eux, ainsi que le gardien rwandais de leur maison, sont tués dans des circonstances troublantes. Les proches des victimes continuent d’exiger la vérité, alors que des investigations poussées n’ont jamais été menées.

C’est une maison de plain-pied avec des murs jaune pâle et un jardin bien entretenu, comme souvent au Rwanda. Elle est située dans un quartier chic de Kigali, à une centaine de mètres du Convention Centre, un centre de conférences reconnaissable à sa forme sphérique. A travers la grille, on aperçoit le gazon, fraîchement tondu, et, sur celui-ci, des tables de pique-nique. « Les premiers cadavres ont été découverts près des parasols, explique, de la rue, Jean-Loup Denblyden, ancien lieutenant-colonel et officier de réserve de l’armée belge. Le dernier se trouvait de l’autre côté, au bout de l’allée menant au portail. »

Cet ancien officier de réserve est formel : c’est bien cette maison que son ami Jean Thiry lui avait montrée lors d’une précédente visite, en 2014. M. Thiry avait alors précisé qu’ici même, à l’époque du génocide, en 1994, il avait déterré les corps de trois Français : les gendarmes René Maier, Alain Didot et l’épouse de ce dernier, Gilda. Parmi les victimes figurait aussi leur gardien et jardinier rwandais, Jean-Damascène Murasira, « enfoui, comme les autres, sous une mince couche de terre ».

Gaëtan Lana avec le drapeau qui recouvrait le cercueil de sa sœur et une pancarte qu’il affiche devant sa maison chaque année à la date anniversaire des assassinats. A Mance (Meurthe-et-Moselle), le 23 décembre 2021. SÉBASTIEN LEBAN POUR «LE MONDE»

Qui les a tués en ce jour de printemps 1994 ? Qui a enterré les corps ? Existe-t-il un lien entre les assassinats de ces deux adjudants-chefs spécialisés dans les transmissions radio et l’attentat contre le président rwandais, Juvénal Habyarimana, dont la mort déclencha le génocide des Tutsi, le 6 avril 1994 ? Vingt-sept ans plus tard, ces questions demeurent sans réponse. A l’époque, les autorités françaises avaient bien fourni un compte rendu sur les circonstances de leur décès, mais ce récit n’autorise que des hypothèses, et non des certitudes. Le dossier Didot et Maier reste une énigme, une équation à plusieurs inconnues, riche en zones d’ombre, en personnages sulfureux et en documents suspects. En 1994, aucune enquête judiciaire n’avait été ouverte par le parquet de Paris, malgré les demandes d’un procureur et d’un député. Dans les archives de l’armée, notamment celles de la gendarmerie, nulle trace d’investigations, comme si l’affaire avait été effacée, et les victimes avec.

Gaëtan Lana, le frère de Gilda Didot, est persuadé que tout a été fait pour cacher une vérité inavouable. C’est ce qu’il nous répète quand nous le rencontrons chez lui, dans un village de la grande banlieue de Metz. En regardant les photos de famille, il éprouve à la fois de la colère et de l’amertume. « Alain était mon beau-frère, mais aussi l’un de mes meilleurs amis, dit-il avec emportement. On s’est connus au lycée technique de Longwy, puis il a rencontré ma sœur et l’a épousée… Cela fait près de trente ans qu’Alain et Gilda sont morts, et je ne sais toujours pas pourquoi. » « Depuis le début, on nous cache des choses, ajoute sa femme, Huguette. Il y a des trucs louches derrière leur mort»

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