Malgré son excellent bilan à la tête de la sélection sénégalaise, le charismatique entraîneur des Lions de la Teranga, Aliou Cissé, aborde la Coupe d’Afrique des nations (CAN) avec une obligation de résultats. L’attente est grande chez les supporters, qui espèrent un premier sacre au Cameroun.
Combien de temps le Sénégal attendra-t-il son premier trophée ? Au pays de la Teranga, la question est sur toutes les lèvres et le sélectionneur national, Aliou Cissé, en poste depuis 2015, est désormais au pied du mur. S’il ne remporte pas la Coupe d’Afrique, qu’il doit entamer lundi 10 janvier face au Zimbabwe, il risque de se voir indiquer la sortie. Un comble pour celui qui a porté le Sénégal d’abord en tant que joueur puis en tant que sélectionneur.
Ambitieux et travailleur
Aliou Cissé est né à Ziguinchor, en Casamance, dans le sud du Sénégal, le 24 mars 1976. Alors qu’il a 9 ans, sa famille émigre en France et s’installe à Champigny-sur-Marne en région parisienne, où – clin d’œil du destin – il rencontre Djamel Belmadi, actuel sélectionneur de l’Algérie. C’est du côté de Lille que le jeune Sénégalais s’aguerrit au football avant de partir dans les Ardennes, à Sedan, pour disputer ses premières minutes en tant que professionnel.
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« J’ai le souvenir de quelqu’un d’ambitieux et de travailleur », se rappelle auprès de l’AFP Pierre Deblock, un partenaire à Sedan. « Tous les lundis, on devait aller courir dans un bois et nous, les anciens, avions trouvé un petit raccourci sur le parcours. Alors qu’il venait d’arriver et qu’il était tout jeune, il nous a fait la morale. Ça m’a fait rire, on sentait qu’il voulait réussir. »
Au-dessus du lot sur le plan athlétique, Aliou Cissé est parfaitement armé pour répondre à l’intensité exigée par son entraîneur, Bruno Metsu. Le sélectionneur l’installe au poste de capitaine des Lions de la Teranga. Un choix inspiré : les deux hommes permettent au Sénégal de vivre une époque dorée. En 2002, Cissé hisse les siens en finale de la CAN au Mali, mais son équipe concède le titre face au Cameroun (3-2). L’été suivant, les Sénégalais créent la surprise au Mondial-2002, en battant la France championne en titre lors du match d’ouverture puis parviennent à se qualifier pour les quarts de finale, le plus haut stade jamais atteint par une équipe africaine en Coupe du monde. Une performance seulement imitée par le Cameroun en 1990 et le Ghana en 2010.
Les sélectionneurs locaux de la CAN-2022
(1/6) Djamel Belmadi, le sélectionneur algérien « plus populaire que le président »
(2/6) Aliou Cissé « sous pression » pour ouvrir le palmarès du Sénégal
(3/6) Mondher Kebaier, à la tête d’une sélection tunisienne « trop grande pour lui » ?
(4/6) Wubetu Abate, une star locale pour créer la surprise avec l’Éthiopie
(5/6) Amir Abdou, l’étincelle de la première coupe d’Afrique des Comores
(6/6) Mohamed Magassouba, un intérim qui dure à la tête du Mali
« Aliou Cissé, ce n’était pas un joueur flamboyant. Il faisait partie des besogneux, des joueurs de devoir qui réalisent des tâches obscures mais nécessaires loin des projecteurs. On pourrait le comparer à Didier Deschamps », note Salif Diallo, grand reporter et chef du service des sports de l’Agence de presse sénégalaise (APS), joint par France 24.
Une reconversion sur le banc réussie
Sa carrière de joueur, qui l’emmène de Sedan au PSG en passant par Birmingham et Montpellier, s’achève finalement en 2009 à Nîmes. Mais Aliou Cissé ne tarde pas à se reconvertir. En 2012, il devient l’adjoint de Karim Séga Diouf, entraîneur de l’équipe nationale olympique du Sénégal. En 2013, on le laisse prendre seul les commandes de l’équipe des moins de 20 ans lors des Jeux de la francophonie en 2013.
Le 4 mars 2015, la consécration arrive : il succède au Français Alain Giresse à la tête de l’équipe nationale. Le Sénégal vient alors de vivre une CAN humiliante, ayant été incapable de sortir des poules.
« Aliou Cissé, c’était le choix des supporters du Sénégal. Après la CAN-2015, on réclame le départ d’Alain Giresse. On demande à en finir avec les ‘sorciers blancs’ et de nommer quelqu’un du cru », explique Salif Diallo. « Avec lui, le Sénégal est devenu une machine à gagner. On peut déplorer la qualité du jeu, mais le Sénégal gagne contre ses adversaires. Cissé a aussi mis fin aux problèmes extrasportifs qui détournaient la sélection du football. »
Il installe un dispositif efficace en 4-2-3-1 qui s’appuie sur des joueurs-clés, évoluant dans les plus grands clubs européens. Édouard Mendy garde les buts, tandis que Kalidou Koulibaly est le patron de la défense. Le milieu parisien Idrissa Gueye gère les transitions, pendant que l’animation offensive repose souvent sur la star de Liverpool, Sadio Mané.
« C’est un grand frère avec ses joueurs. Il couve sa tanière de Lions de la Teranga. Il ne va jamais s’emporter contre un joueur qui va passer à côté de son match », explique Salif Diallo, qui note par ailleurs que le sélectionneur tient ses joueurs éloignés autant que possible des médias. « Il a une aura due à son passé brillant en sélection qui lui permet d’incarner ça. »
Sous la baguette d’Aliou Cissé, le Sénégal s’améliore. À la CAN-2017, pour sa première campagne continentale, son équipe s’incline dès les quarts de finale, mais c’est contre le futur vainqueur camerounais.
Présent au Mondial-2018, le Sénégal est sorti en phase de groupes pour une affaire de… cartons jaunes. Les Lions de la Teranga et le Japon sont alors à égalité pour la deuxième place avec le même nombre de points (4), la même différence de buts (0), le même nombre de buts marqués (4) et de buts encaissés (4). Dans ce genre de situation exceptionnelle, c’est alors le nombre d’avertissements reçus qui départage.
Des victoires mais pas la manière
La CAN-2019 en Égypte aurait pu être parfaite. Les hommes d’Aliou Cissé sont impériaux tout au long de la compétition à l’exception de deux matches : le premier et le dernier, tous les deux face à l’Algérie de Djamel Belmadi, qui les prive de leur premier titre continental. Une nouvelle déception qui affecte en partie la popularité d’Aliou Cissé.
Il a eu des résultats. Il a fait une finale de CAN, il a ramené le Sénégal à la Coupe du monde, mais les gens désormais veulent davantage. Ils veulent la manière, que le Sénégal produise du beau jeu. Le Sénégal bat ses adversaires mais le jeu ne convainc pas », affirme Salif Diallo. « On reproche un excès de verticalité dans le jeu. Il est souvent dit que c’est la seule façon de gagner en Afrique. L’Algérie sous Belmadi prouve que non : on peut jouer au ballon et gagner des matches. »
Les résultats restent probants. Sous Aliou Cissé, le Sénégal est devenu la meilleure équipe africaine au classement Fifa, pointant à la 20e place du classement mondial des meilleures nations du football mondial. Sur les 62 matches dirigés par l’ancien capitaine des Lions de la Teranga, il affiche un bilan largement positif : 40 victoires, 14 matches nuls et seulement 8 défaites.
Pourtant, les supporters des Lions de la Teranga abordent la CAN au Cameroun avec la peur au ventre : « Le Sénégal est placé dans les favoris grâce à ses précédentes prestations et la qualité de ses joueurs mais tout le monde peine à le voir vainqueur », note le grand reporter de l’APS. « Aliou Cissé est sous pression. Aujourd’hui, les supporters ne veulent plus rien lui pardonner. La sélection est remplie de joueurs évoluant dans les plus grands clubs européens. Elle est soutenue de près par le gouvernement et la fédération. Il n’y a jamais eu autant de stabilité. Les gens ne pardonneraient pas d’autres résultats qu’un titre ou une nouvelle finale. »
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