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Dans l’usine SAM occupée, un réveillon « pour oublier » les licenciements

Après celui de Noël, les métallos de la SAM passent le réveillon du Nouvel an dans l’usine qu’ils occupent depuis la liquidation fin novembre de ce sous-traitant aveyronnais de Renault, en essayant d’ »oublier » un temps les lettres de licenciement.

« Je ris, je fais la folle, mais c’est un masque », confie à l’AFP Mimie Carles, 59 ans, dont 34 à la Société aveyronnaise de métallurgie (SAM), qui employait 350 personnes à Viviez, dans l’ancien bassin minier de Decazeville.

S’activant à la préparation du bouillon pour la traditionnelle soupe au fromage, cette coquette femme aux cheveux grisonnant a du mal à concevoir sa vie sans l’usine, « car c’est le travail qui m’a sauvée dans les moments les plus durs ».

A l’entrée de la fonderie, les photos des quelque 350 salariés tapissent un mur.

« C’est un projet de vie qui s’effondre, c’est notre monde qui s’effondre », dit Stéphanie Latapie, 45 ans.

« J’étais fière de pouvoir élever seule mon fils grâce à mon travail, j’ai fait un emprunt, j’ai acheté une maison… Et maintenant quoi? Vers qui je me tourne? », poursuit cette maman solo, occupée à préparer un plateau de fromages dans le coin cuisine aménagé dans l’usine.

Elles trompent leur peine en se déhanchant sur « Les démons de minuit ».

– « Et maintenant nous » –

A l’entrée de l’usine, un panneau affiche le menu: foie gras, poisson, veau aux morilles et dessert, sur des tables décorées pour l’occasion, entre les différentes machines de la fonderie, dont certaines continuent à tourner.

« Tout cela est possible grâce aux multiples dons que nous recevons des habitants du bassin, mais aussi d’associations ou particuliers de toute la France, touchés par notre histoire », indique Ghislaine Gistau, représentante CGT à la SAM.

Dans les rues de Viviez, de nombreux habitants ont placardé « Je suis SAM » sur les vitres de leur maison ou voiture.

Installée à Viviez, sur les hauteurs de Decazeville, la SAM avait été placée en redressement judiciaire en décembre 2019.

D’ex-employés de la SAM à l’entrée de l’usine en liquidation qu’ils occupent à Viviez, dans l’Aveyron, le 31 décembre 2021 (AFP – Valentine CHAPUIS)

Avant de voir son sort définitivement scellé le 26 novembre dernier, quand le tribunal de commerce de Toulouse a acté la cessation de son activité et sa liquidation après le refus de Renault de soutenir l’unique projet de reprise.

« A croire que ce serait le +destin+ de notre bassin. Nos grands-parents mineurs, nos parents sidérurgistes ont déjà vécu cela. Et maintenant nous… », s’émeut d’une voix tremblante Mme Latapie.

Depuis plus d’un mois, quelque 150 anciens salariés se relaient jour et nuit dans la fonderie pour « faire pression » sur Renault afin d’obtenir leurs indemnisations et des mesures d’accompagnement spécifiques, mais aussi pour empêcher que les machines ne soient vendues aux enchères.

Ils espèrent encore qu’une nouvelle fonderie verra le jour dans ces mêmes locaux.

– « Pas fini » –

« Un acte de résistance » qui fait écho à la grève de 66 jours menée à l’hiver 1961 par des mineurs protestant contre la fermeture des mines à ciel ouvert de l’Aveyron.

« Tant qu’on occupe l’usine et qu’on est ensemble, c’est que ce n’est pas fini », veut croire Stéphanie Latapie.

« Ce que je redoute le plus, c’est le jour où on fermera définitivement l’usine », abonde Cathy Rodrigues, 58 ans, dont 32 à la SAM.

Elle se sent « trahie » et « jetée comme une malpropre » et n’arrive à se consoler qu’en retrouvant quotidiennement ses ex-collègues, aux horaires habituels de travail.

Le menu de réveillon du Nouvel An des ex-employés de la SAM qui occupent leur usine en liquidation à Viviez, dans l’Aveyron, le 31 décembre 2021 (AFP – Valentine CHAPUIS)

Ce rituel « joue le rôle d’une cellule psychologique, car la plupart des salariés ont du mal à intégrer qu’ils ont été licenciés », note Mme Gistau.

« Certains ont même tenu à ouvrir leurs lettres de licenciement ici, à l’usine. Il y a eu des pleurs, c’était très dur », raconte-t-elle.

Julien Astié, 24 ans, employé à la maintenance, imaginait lui aussi pouvoir faire sa vie dans sa région, mais « aujourd’hui, dans le bassin, les entreprises qui ferment sont plus nombreuses que celles qui ouvrent », regrette-t-il.

A l’heure de l’apéro, une enceinte émet « Résiste » de France Gall, comme un clin d’oeil aux résolutions pour 2022 de ces ouvriers aveyronnais.

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