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Au Caire, le Mogamma, de l’enfer bureaucratique au temple du consumérisme

Le Mogamma, dans le centre-ville du Caire, en décembre 2020. WIKIMEDIA

LETTRE DU CAIRE

Situé à l’angle de la rue Mogamma et de la place Tahrir, dans le centre-ville du Caire, le Mogamma se destinait, à son inauguration en 1952, en pleine révolution menée par le Mouvement des officiers libres, à être le fer de lance de la modernisation administrative de l’Egypte. Tous les services gouvernementaux, et des milliers de fonctionnaires, étaient depuis rassemblés dans cet édifice monumental de quatorze étages de style stalinien, réalisé par l’architecte égyptien Kamal Ismaïl. Que l’on soit de la capitale, d’Alexandrie ou d’Assouan, c’est ici que l’on venait effectuer ses formalités : certificats de naissance et de décès, passeports et cartes d’identité, extraits de casier judiciaire et immatriculation de véhicules, ou même visas pour les étrangers.

L’effort de simplification des procédures administratives a rapidement tourné à l’enfer bureaucratique. Il fallait s’armer d’une bonne dose de patience et d’abnégation pour s’engouffrer dans l’antre du Mogamma, grouillant de milliers d’Egyptiens, se perdre dans son dédale d’étages et de couloirs avant de trouver le service idoine, et affronter des fonctionnaires flegmatiques pour obtenir, parfois après des heures et quelques bakchichs, un document. Cette expérience kafkaïenne avait d’ailleurs fait le succès de la comédie populaire Terrorisme et Kebab (1992), une fable burlesque sur la bureaucratie et la corruption où le célèbre acteur égyptien Adel Imam tenait la vedette.

Le plus grand rooftop de la ville

Paralysé par la révolution de 2011 dont la place Tahrir a été l’épicentre, puis fermé, le Mogamma est aujourd’hui au centre des efforts de transformation du Caire entrepris par le maréchal Abdel Fattah Al-Sissi depuis son accession à la présidence en 2014. Les services administratifs sont en cours de transfert, comme tous les ministères, dans la nouvelle capitale administrative, à cinquante kilomètres à l’est du Caire. Ce projet pharaonique, qui a été lancé en 2015 dans le cadre de la vision Egypte 2030 – un plan de réformes structurelles élaboré avec le parrain émirati –, a pour ambition affichée de désengorger la métropole de 23 millions d’habitants et de créer « l’Egypte du futur ». Non sans controverses sur son coût et sur le rôle de maître d’œuvre confié à l’armée.

Le mammouth de la bureaucratie égyptienne, lui, est promis à devenir un temple du tourisme et du consumérisme au cœur de la capitale historique. Un accord a été signé, le 6 décembre 2021, entre le Fonds souverain pour l’Egypte – propriétaire du complexe – et un consortium international, composé des compagnies américaines Global Ventures et Oxford Capital et du fonds d’investissement émirati Al-Otaiba Investments, pour mener à bien ce projet de 220 millions de dollars dans un délai de deux ans.

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