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En Russie, la dissolution de l’ONG Memorial marque l’ampleur du recul démocratique de l’ère Poutine

Les avocats de l’ONG Memorial écoutent l’annonce de sa dissolution par la Cour suprême russe, à Moscou, le 28 décembre 2021. NATALIA KOLESNIKOVA / AFP

L’onde de choc s’est répandue à travers tout le pays et au-delà de ses frontières, lorsque, mardi 28 décembre, la Cour suprême de Russie a prononcé la dissolution de Memorial International, l’organisation non gouvernementale russe la plus ancienne et la plus connue pour ses travaux de recherche sur les répressions de l’époque soviétique. Le verdict a été énoncé en quelques minutes par la juge Alla Nazarova, qui a précisé « accéder à la demande du parquet ».

Devant la Cour, le procureur Alexeï Jafiarov n’a en effet laissé aucune chance à l’organisation : « Il est évident que Memorial, en spéculant sur le thème de répressions au XXe siècle, crée une image mensongère de l’URSS comme Etat terroriste », venait-il de conclure en l’accusant, en outre, de « blanchir et de réhabiliter les criminels nazis ». A l’extérieur, des anonymes, venus soutenir l’organisation, continuaient à brandir des pancartes « Nous ne mourrons jamais ».

Pour de très nombreux Russes en quête d’informations sur le sort passé de leurs proches, l’ONG a joué un rôle de premier plan dans la documentation de la terreur stalinienne dont ont été victimes les familles. Elle continue encore aujourd’hui à le faire, alors que ces crimes sont relativisés ou mis sous le tapis. Sa disparition est en ce sens parlante : le pouvoir russe actuel, dont les représentants revendiquent fièrement l’héritage des services de sécurité soviétiques, se débarrasse de la dernière organisation critiquant ouvertement ce legs et pointant les similitudes entre pratiques passées et présentes.

Trente ans tout juste après la disparition de l’URSS, avalisée le 25 décembre 1991, la décision de la justice russe signe ainsi l’ampleur du retour en arrière. La fondation de Memorial, en 1989, par des dissidents, dont le Prix Nobel de la paix Andreï Sakharov, constituait, en plus d’être un acquis de la perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev, le symbole d’une Russie post-soviétique décidée à faire face à son passé et aux crimes staliniens. Sa fermeture en est un autre, annonciateur d’une nouvelle vague de répression dans un pays dirigé depuis bientôt vingt-deux ans par un homme, Vladimir Poutine, plus que jamais déterminé à réécrire l’histoire et à contrôler la société civile. « C’est un domaine, l’histoire, redevenu très politique. Nous préservons la mémoire de millions de victimes, Poutine veut garder l’histoire falsifiée », témoigne Alexandre Tcherkassov, militant de longue date et membre du conseil d’administration de Memorial International, joint par téléphone.

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