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Covid-19 : BioNTech, un labo aux œufs d’or pour la ville de Mayence

La start-up allemande BioNTech, qui a développé le vaccin de Pfizer contre le Covid-19, a permis à la ville de Mayence, où se trouve son siège, d’effacer en une année presque toutes ses dettes. Un surplus fiscal historique qui fait des jaloux.

« Depuis le début de la pandémie, nous sommes devenus la pharmacie du monde. » Michael Elbing, le maire social-démocrate (SPD) de Mayence, est très fier que sa ville abrite le quartier général de BioNTech, la start-up pharmaceutique allemande à l’origine du vaccin de Pfizer. Et très chanceux : les profits générés par la vente du vaccin « made in Mayence » se sont transformés en manne fiscale pour cette commune de 220 000 habitants.

La capitale de la Rhénanie-Palatinat a annoncé, début novembre, un surplus budgétaire de plus d’un milliard d’euros pour 2021, alors même que la municipalité s’attendait à s’enfoncer un peu plus dans le rouge cette année.

Un « miracle » après plus de 30 années de dettes

Du jamais-vu pour cette ville, qui est abonnée au déficit budgétaire depuis la fin des années 1980. « Nous nous attendions, comme partout ailleurs en Allemagne, à souffrir à cause du coût économique de la pandémie et on s’est retrouvés avec une somme véritablement exorbitante », a reconnu Michael Elbing, interrogé par le quotidien allemand Die Zeit

Évoluant dans l’ombre de Francfort, le prospère centre financier allemand, Mayence a accumulé plus d’un milliard d’euros de dettes en plus de 30 ans et compte parmiles communes allemandes les plus à la peine du point de vue budgétaire.

Mais tout ça va changer grâceau « miracle de 2021 », comme l’appellent les édiles locaux à longueur d’interviews. La municipalité a refusé de confirmer que BioNTech était bien à l’origine de ce surplus fiscal historique, mais « plusieurs personnes proches du dossier ont confirmé que c’est bien la start-up qui a, presque à elle seule, fait passer les revenus fiscaux de la ville de 173 millions d’euros en 2020 à 1,09 milliard d’euros en 2021 », affirme le Financial Times, dans une enquête publiée dimanche 26 décembre et consacrée à l’effet BioNTech pour Mayence.

Il faut dire que la petite start-up spécialisée dans les traitements à ARN messager a généré un profit net de 10 milliards d’euros grâce aux près de deux milliards de doses du vaccin Pfizer vendues dans le monde en 2021. Des bénéfices qui lui ont valu de payer plus de trois milliards d’euros d’impôts sur les sociétés dans toutes les villes où la firme est implanté en Allemagne et aux États-Unis.

Mayence aurait donc récupéré la part du lion des contributions fiscales de la start-up. Et ce n’est pas fini. « La municipalité table déjà sur un surplus budgétaire de 490 millions d’euros en 2022 », affirme l’agence de presse allemande DPA.

Une promesse d’avenir fiscal radieux qui a poussé les différents responsables locaux à rivaliser d’imagination dans leurs lettres au père Noël. « La liste des vœux s’allonge chaque jour un peu plus », reconnaît Sarah Heil, porte-parole de la mairie de Mayence, interrogée dimanche par le tabloïd Bild.

Future capitale allemande des biotech ?

« Nous devrions multiplier les petites mesures pour rendre le quotidien des habitants de Mayence un peu plus radieux », a pour sa part souhaité Claudius Moseler, responsable local du Parti écologiste-démocrate (ÖDP), citant, par exemple, des investissements dans les bibliothèques ou la baisse de la taxe sur les chiens. « Et si on verdissait enfin les façades des bâtiments publics et qu’on construisait davantage de logements pour les étudiants ? », a proposé, de son côté, Gerhard Wenderoth, le président de la section locale des « Freie Wähler » (Électeurs libres), une petite formation conservatrice.

La municipalité a reconnu qu’il y avait des besoins en infrastructures et en investissements dans les services municipaux après des années de vaches maigres, note le quotidien britannique The Guardian. Mais il faudra attendre pour les petits cadeaux. « Les habitants de Mayence ne sentiront pas immédiatement les effets de cette manne inespérée », a averti Michael Elbing, interrogé par la SWR, une radio du sud de l’Allemagne.

Pour le gouvernement local, « la priorité numéro 1 est l’effacement de la dette », a assuré Günter Beck, premier adjoint au maire et responsable local des Verts, interrogé par le Financial Times. Un objectif que la ville espère atteindre fin 2022, à condition que BioNTech continue à jouer son rôle de labo aux œufs d’or.

Et c’est tout le problème pour Mayence : sa bonne fortune fiscale repose sur une seule start-up dont les profits dépendent essentiellement des besoins du monde en vaccin contre le Covid-19.

D’où le grand dessein de transformer Mayence en capitale allemande des biotechnologies. La mairie a déjà jeté son dévolu sur 30 hectares de terrain autour du siège de BioNTech qui devrait servir à bâtir le futur pôle technoscientifique à partir de 2024 et créer plus de 5 000 emplois sur dix ans, d’après les plans ambitieux de la municipalité.

Encore faut-il que les start-up optent pour Mayence plutôt que pour d’autres aimants allemands à jeunes pousses comme Berlin ou Munich. « Nous sommes dorénavant connus jusqu’à Singapour ! », affirme Günter Jertz, le directeur de la chambre de commerce régionale. Pour lui, l’effet BioNTech attirera forcément d’autres entrepreneurs.

Choix politique risqué

Pour la municipalité, rien ne vaut une incitation fiscale supplémentaire pour finir de convaincre les entreprises à venir s’implanter sur son territoire. Début décembre, une baisse des impôts locaux sur les sociétés a été votée, faisant de Mayence la commune la plus attrayante de toute la région sur le plan fiscal, note Die Zeit. Les autorités locales espèrent ainsi que la ville ne dépendra plus aussi fortement de la bonne santé de sa star mondiale des vaccins.

Une baisse des taxes qui a fait grincer les dents à Wiesbaden, ville limitrophe de Mayence. « C’est un geste qui dénote d’un manque total de solidarité au niveau local. Nous ne pouvons absolument pas concurrencer Mayence avec une telle baisse des impôts », a regretté Christian Diers, chef du groupe FDP au conseil municipal Parti libéral-démocrate (FDP) à Wiesbaden. La ville craint de devenir le parent pauvre de « Mayence la triomphante ».

La baisse d’impôt est aussi un choix politique risqué. À Marbourg, ville du Land de Hesse située au nord de Francfort, la manne fiscale de BioNTech – qui y dispose d’un centre de recherche – a créé du rififi au sein de la coalition au pouvoir. Le SPD et les Verts ont décidé, comme à Mayence, de baisser les impôts locaux sur les sociétés afin d’attirer d’autres start-up. Au grand dam de Die Linke, le parti de gauche radicale, qui aurait préféré que le surplus fiscal soit utilisé pour aider les plus pauvres.

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