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Theary Seng, l’avocate rebelle de Phnom Penh

L’avocate Theary Seng, dans sa maison du district de Kien Svay, près de Phnom Penh, au Cambodge, le 10 décembre 2021. PHILONG SOVAN POUR LE MONDE

C’est une maison sur pilotis dans un coin de campagne du sud-est de Phnom Penh, au bout d’un chemin caillouteux. Theary Seng y vit avec son chien, dans un intérieur rustique où figurent en bonne place les dessins tirés de vieilles photos de ses parents, morts sous le régime des Khmers rouges. Theary Seng a consacré une première partie de sa vie d’adulte à comprendre et à dépasser le traumatisme dont elle fut victime enfant. Et la seconde, à tenter d’aider d’autres Cambodgiens à le faire – en devenant des « citoyens », l’une des missions de la dernière ONG qu’elle a créée, Civicus.

Cette fois, c’est elle, à presque 51 ans, qui se retrouve sur le banc des accusés : la militante, qui a la double nationalité cambodgienne et américaine, fait partie des quelque 150 figures de l’opposition et de la société civile inculpées en 2019 pour « trahison » et « incitation à commettre un crime ». Une accusation qui s’inscrit dans les suites de la dissolution du premier parti d’opposition, par le premier ministre, Hun Sen, au pouvoir depuis 1985. Une interdiction juste avant une série d’élections auxquelles le Parti du sauvetage national du Cambodge promettait de faire un bon score. Cette manœuvre grossière avait été alors condamnée par toutes les démocraties occidentales.

Imperméable aux intimidations

La « fille des champs de la mort », selon le titre de son autobiographie parue en 2005 aux Etats-Unis, a vu la date de son procès fixée au 28 décembre. Après bien des péripéties : les premières convocations, en 2019, ne lui parviennent pas directement. « Ils voulaient que je prenne peur, que je reparte [aux Etats-Unis] », s’insurge Theary Seng. Le « procès collectif » promis fut saucissonné : certains ont déjà été jugés et condamnés, puis parfois placés en liberté conditionnelle. D’autres, notamment des leaders en exil, comme Sam Rainsy, réfugié à Paris, ont été empêchés de rentrer au Cambodge comme ils le souhaitaient pour être jugés, mais condamnés… par contumace.

On ne fera pas pression sur Theary Seng : elle n’a pas de biens – sa maison est louée – ni d’enfants. Décidée à se défendre elle-même, à aller en prison si elle n’est pas blanchie de ces accusations, elle s’est rasé les cheveux avant une audience préliminaire en novembre 2020 – au cas où elle serait emprisonnée. A la dernière audience, le 14 décembre, elle était vêtue en Apsara, la danseuse traditionnelle d’Angkor, pour souligner le « théâtre » que serait son procès – suscitant une belle mobilisation sur les réseaux sociaux.

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