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En Suède, l’Eglise présente ses excuses aux Samis

Antje Jackelén, l’archevêque de l’église de Suède, à la cathédrale d’Uppsala, en Suède, en octobre 2013. PONTUS LUNDAHL / AFP

LETTRE DE STOCKHOLM

Un feu de camp dressé devant l’autel de la prestigieuse cathédrale d’Uppsala, au nord de Stockholm ; l’ensemble des évêques présents ; et sur les bancs, des Samis, en costumes traditionnels, assis à côté de représentants de l’église luthérienne-évangélique et d’anonymes, tous réunis pour ce moment historique. Le 24 novembre, lors d’une cérémonie religieuse, unique dans l’histoire de l’institution et du royaume, l’Eglise de Suède a présenté ses excuses officielles aux Samis, le peuple autochtone du nord de la Scandinavie.

Ce processus de réconciliation avait été initié en 2011 à Kiruna, lors d’une rencontre entre les hauts représentants de l’Eglise et les organisations samis. Il a commencé par la rédaction d’un livre blanc : plus de milles pages, décrivant dans le détail les abus commis par le clergé à partir du XVIe siècle. « A l’époque, l’Eglise était une Eglise d’Etat. Elle faisait partie de l’appareil étatique et elle a contribué à la colonisation, en lui donnant une légitimité idéologique », explique Daniel Lindmark, professeur d’histoire à l’Université d’Umeå, qui a supervisé la rédaction du livre blanc.

L’Eglise n’a pas seulement commis des abus, « elle a aussi souvent regardé sans rien faire quand les droits des Samis étaient violés », détaille M. Lindmark. Le 24 novembre, il a assisté à la cérémonie dans la cathédrale d’Uppsala. Une étape nécessaire pour aller de l’avant : « La reconnaissance de ce qui s’est passé est un premier pas dans le processus de réconciliation », affirme-t-il.

« Enfermés, divisés, réduits au silence »

Pendant une heure et demie, les nombreux témoignages en langue sami, ponctués de chants et de prières, ont dressé un tableau détaillé des exactions, commises pendant plus de cinq siècles. L’écrivain Nils-Henrik Sikku a parlé de « l’école nomade », où il a été envoyé à sept ans : un internat pour les enfants des éleveurs de rennes, considérés par l’Eglise et l’Etat comme les « vrais » Samis, contrairement aux sédentaires, vivant de chasse et de pêche, qui devaient être assimilés et dont les enfants fréquentaient l’école communale.

« Nous avons appris à écrire et parler une langue étrangère. Lire la Bible, chanter des psaumes, réciter le nom des rois, par cœur. (…) Nous avons été enfermés, divisés, réduits au silence. (…) Nous n’étions plus des Samis, juste des Lapons [terme péjoratif] et des nomades. Bientôt nous aurions disparu pour de bon. »

La poétesse Rose-Marie Huuva décrit des scènes de la vie courante. Un prêtre et son serviteur creusent les tombes samis. Le chercheur de l’Institut de biologie raciale, qui les accompagne, exige le crâne d’un nouveau-né qui vient juste de mourir. La tête est séparée du corps. La poétesse poursuit : « Mère nue effrayée devant le voile blanc, photographiée de l’avant, de l’arrière, côté droit et gauche, et la règle en fer du terrifiant chercheur racial, comme une flèche dans la tête. » Quatre-vingt-cinq ans plus tard, Rose-Marie Huuva a retrouvé le cliché, dans les archives de l’Institut de biologie raciale de l’Université d’Uppsala, établi en 1922 pour mener des recherches sur l’eugénisme : sur la photo, sa mère avait huit ans.

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