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David Diop : « Les pays du Nord sont sans pitié pour les pauvres, mais les migrants ne le croient pas »

Nul ne sait précisément combien d’Africains meurent dans l’anonymat en mer Méditerranée. Les laissés-pour-compte n’entrent généralement pas dans les statistiques. Seules des estimations fondées sur le recensement des personnes sauvées par des garde-côtes du sud de l’Europe ou d’Afrique du Nord peuvent laisser soupçonner que, chaque année, plusieurs milliers de migrants africains, femmes, hommes, enfants, se noient au milieu de nulle part. Au bout d’une chaîne de désespoir, il y a des gens qui enterrent les migrants, ou leurs corps en lambeaux, que les courants de la mer Méditerranée rejettent sur les côtes du sud de l’Europe ou du nord de l’Afrique.

C’est le cas à Zarzis, dans le sud-est de la Tunisie, où l’artiste algérien Rachid Koraïchi a créé, au mois de juin dernier, un cimetière parfumé par des jasmins et des orangers en fleur [auquel Le Monde a consacré un article le 14 juin]. Sur les sépultures blanches, des « coupes jaune et vert sont destinées à accueillir l’eau de pluie et les oiseaux ». Cette beauté paradisiaque, Rachid Koraïchi l’offre, selon ses propres mots, « aux damnés de la mer » en compensation pour toutes les souffrances que les migrants ont subies jusqu’à leur mort par noyade. Le « Jardin d’Afrique », comme il l’a baptisé, est déjà presque saturé et témoigne de l’ampleur d’une horrible hécatombe.

A la fois clairvoyants et aveuglés

Nombreuses sont les frontières naturelles dangereuses dans le monde : le Rio Grande, qui sépare le Mexique des Etats-Unis, la Manche, entre la France et le Royaume-Uni, ou encore l’Atlantique, aux abords des îles Canaries ; mais c’est la mer Méditerranée centrale qui est la plus meurtrière. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), entre 2014 et 2020, près de 20 000 Africains y ont perdu la vie. Ce chiffre ne tient pas compte des migrants provenant du Moyen-Orient et de l’Afrique de l’Est disparus en Méditerranée orientale au large des côtes de la Grèce et de la Turquie.

« Les migrants qui décident de quitter leur pays pour fuir la violence de la misère savent qu’il existe un monde où vivre ne se résume pas à survivre »

Tout le monde croit savoir pourquoi les gens du Sud sont attirés par le Nord. On se doute bien que si les migrants cherchent à gagner le Nord c’est parce que le Sud est invivable, le Sud est intraitable, le Sud est sans pitié pour ses pauvres. Le Nord ne l’est pas moins, mais les migrants ne le croient pas. C’est pour cesser de survivre et commencer à vivre mieux, pour donner un avenir à leur famille, que les migrants, hommes ou femmes, mineurs souvent, originaires d’Afrique noire et du Maghreb, entreprennent au péril de leur vie un voyage, parfois de plusieurs années, pour atteindre l’Europe par la Méditerranée centrale, via la Libye.

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