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Inflation: pourquoi la FED et la BCE ne jouent pas la même carte

Quel contraste. La conférence de Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE) ce jeudi 16 décembre comme celle de Jay Powell, son homologue de la réserve fédérale aux Etats-Unis (FED) il y a deux jours, confirment une évidence. Ces deux institutions adoptent -pour le moment- des stratégies différentes, pour ne pas dire à front renversé face à lutte contre la résurgence de l’inflation, observée depuis un an.

Sans en exclure totalement la possibilité Christine Lagarde, estime en effet très peu probable que la Banque centrale européenne (BCE) relève ses taux d’intérêt l’an prochain. En outre, même si elle confirme l’arrêt de son programme d’achat d’actifs d’urgence lié à la pandémie, la BCE augmentera temporairement les achats dits « classiques » après le mois de mars prochain et conservera de la souplesse dans un contexte économique encore très incertain. Autrement dit, elle entend maintenir le cap d’une politique monétaire très gradualiste qui pourrait apparaître comme attentiste. A l’inverse, la FED ne cesse, elle, de réaffirmer avec vigueur le durcissement de sa politique monétaire entamée depuis maintenant plusieurs mois. Tandis qu’elle a déjà enclenché la hausse de ses taux directeurs, la réserve fédérale vient d’annoncer clairement la couleur pour 2022, avec trois hausses de taux d’intérêt possibles d’ici à la fin de l’année et l’arrêt des achats d’obligations sur les marchés financiers en mars prochain (Quantitative Easing). 

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Le danger d’une boucle prix-salaire   

A première vue et au regard des différentiels d’inflation (2,6% prévu en zone Euro pour 2021 contre 5,3% attendu pour les Etats-Unis), la stratégie de la BCE paraît justifiée. Même si la BCE a un peu rehaussé ses prévisions, l’inflation devrait encore se situer en dessous de l’objectif de 2% sur l’horizon de projection a précisé Christine Lagarde. Pourtant, le choix de la BCE n’est tenable que si la hausse des prix reste un phénomène transitoire. Or le débat sur sujet n’est pas encore tranché. Toute la question est de savoir si cette hausse des prix ne va finir par provoquer une hausse généralisée des salaires, ce qui nous entrainerait dans une spirale inflationniste. Force est de constater que même si la Réserve fédérale estime que la hausse des rémunérations n’évolue pas à un rythme qui pourrait déclencher une accélération de l’inflation, l’institution monétaire américaine préfère agir -tout de suite- pour éviter le scénario d’une inflation pérenne et bien supérieure à sa cible des 2%. Tandis que la BCE n’en voit pas pour le moment l’impérieuse nécessité.             

Mais le décalage de politique monétaire entre la FED et de la BCE repose aussi sur une approche différente quant à l’utilisation des leviers dont elles disposent pour contrer la flambée des prix. Dans les précédentes périodes d’inflation, les années 80-90 par exemple, les taux d’intérêt constituaient le pilier central de la politique monétaire. Pour contrer l’inflation, la banque centrale rehaussait ses taux directeurs à court terme, provoquant par effet de cascade un renchérissement des crédits à la consommation, des emprunts immobiliers et des prêts aux entreprises. Cette hausse généralisée des taux d’intérêt se traduisait in fine par un ralentissement de l’activité et par une stabilisation des prix.  

Aujourd’hui les banquiers centraux disposent de plusieurs leviers d’action. Outre l’arme des taux, ils peuvent agir sur les quantités d’actifs financiers qu’elles achètent (QE), la liquidité bancaire et leur communication pour informer les marchés financiers sur les orientations de sa politique monétaire. Mais cette palette plus large doit être maniée avec précaution. Les instruments d’action étant tous intriqués, actionner l’un de ces leviers n’est pas neutre sur les autres. Autrement dit, ceux-ci doivent être utilisés dans le bon ordre et de la bonne manière. Tel est le choix de la BCE aujourd’hui. Soucieuse de ne pas déclencher des phénomènes délétères, comme une remonté brutale des taux d’intérêt à long terme ou une dépréciation des actifs financiers qui risquerait de fragiliser les banques et les assurances, la BCE préfère s’abstenir de toute action prématurée, précipitée et désordonnée. La limite de cette approche est qu’elle freine sa réactivité en matière de politique monétaire. Alors que la FED privilégie l’urgence de l’action au strict respect de la chronologie.

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