Emmanuel Macron a salué, dimanche, la victoire du « non » lors du troisième et dernier référendum sur l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie. Bien que les résultats soient contestés par les indépendantistes, ils sont avantageux pour l’État français, qui se sert, entre autres, de la Nouvelle-Calédonie pour asseoir la puissance de la France dans le Pacifique.
« La France est plus belle car la Nouvelle-Calédonie a décidé d’y rester » : après les résultats du troisième référendum sur l’autodétermination de l’archipel, Emmanuel Macron a salué, dimanche 12 décembre, la victoire écrasante du « non » à l’indépendance. Le président français a toutefois concédé que « le corps électoral était resté profondément divisé » et a pris acte du « contexte de forte abstention », lors de ce scrutin boycotté par les indépendantistes. La participation n’a été en effet que de 43,9 %, moitié moins que lors des deux référendums précédents, et le « non » l’a emporté à 96,49 %.
Ce maintien de la Nouvelle-Calédonie dans le giron français représente non seulement une victoire politique mais aussi une réussite stratégique pour l’État français. Cette troisième consultation, qui confirme le résultat des deux précédentes, est aussi la dernière du processus de décolonisation de l’accord de Nouméa, signé en 1998. La fin de cette période référendaire assure à la France une mainmise sur cette collectivité d’Outre-mer, qui dispose toutefois d’une large autonomie.
« Les Outre-mer permettent à la France d’être une puissance mondiale et, dans la région Pacifique, une puissance océanienne », explique à France 24 Sarah Mohamed-Gaillard, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Inalco. Cette puissance passe notamment par le domaine maritime de la France, qui s’étend sur 10,2 millions de km². Sur cette superficie, plus de 1,3 million de km² se trouve autour de la Nouvelle-Calédonie, la plus grande part relevant de la Polynésie (4,8 millions de km²). « Plus la France a de points d’appui dans les océans Indien et Pacifique, plus son ambition indopacifique est confortée », poursuit la spécialiste de l’histoire de l’Océanie et de la politique de la France dans le Pacifique Sud.
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Si la Nouvelle-Calédonie est située à 18 000 km de la métropole, seulement 2 000 km la séparent de l’Australie. Et l’archipel est très proche d’une autre puissance régionale, la Nouvelle-Zélande. Une position géographique avantageuse pour la France, qui souhaite participer à la création d’un axe indopacifique. En juillet, lors du cinquième sommet France-Océanie, Emmanuel Macron avait promis de renforcer la coopération entre la France et les États d’Océanie pour sécuriser les eaux territoriales, notamment contre la pêche illégale, et pour atténuer l’impact du changement climatique dans le Pacifique.
Le chef de l’État a notamment annoncé la création d’un « réseau de gardes-côtes pour le Pacifique Sud ». « Les États insulaires du Pacifique Sud louent leurs zones de pêche à des puissances de la région mais ils n’ont pas les moyens de surveiller si ces pays viennent pêcher dans leurs eaux. Ils sollicitent l’aide de l’Australie pour assurer une surveillance maritime mais celle-ci vise une zone d’influence plus au nord, vers la Chine et l’Inde, notamment. Ces États insulaires ont donc besoin de la France », résume à France 24 Nathalie Mrgudovic, maîtresse de conférences à l’université d’Aston, en Angleterre, et spécialiste des Outre-mer français.
Coopération des Occidentaux contre la Chine
Par ailleurs, les forces militaires françaises basées en Nouvelle-Calédonie couvrent une zone comprenant « les territoires, eaux territoriales et espaces aériens inclus dans le périmètre, notamment ceux de la Nouvelle-Zélande, du Vanuatu, des Fidji, des Tonga, et des îles Salomon, ainsi que le territoire de la Nouvelle-Calédonie, de ses dépendances et de Wallis et Futuna », indique le ministère des Armées.
Les enjeux dans le Pacifique sont d’autant plus décisifs pour la France que les relations avec l’Australie ne sont pas au beau fixe depuis l’annonce de l’alliance Aukus, conclue par Canberra avec les États-Unis et le Royaume-Uni, qui a empêché la France de vendre pour 56 milliards de dollars de sous-marins à l’Australie.
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« Pour les Australiens, la France est toujours perçue comme une alliée. Ils ont toujours encouragé la présence française pour assurer la sécurité dans la région, le contrôle et la surveillance des zones de pêche, en particulier des États insulaires », tempère Nathalie Mrgudovic, auteure de l’ouvrage « La France dans le Pacifique Sud. Les enjeux de la puissance » (éd. L’Harmattan, 2008).
Cette coopération des Occidentaux s’inscrit largement contre la Chine, qui exerce une pression maritime et militaire croissante dans le Pacifique. « Tous les États mélanésiens (la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les îles Salomon, le Vanuatu et les îles Fidji) sont devenus des satellites chinois », explique Bastien Vandendyck, analyste en relations internationales, spécialiste du Pacifique, interrogé par l’AFP. « Il ne manque que la Nouvelle-Calédonie pour que le collier de perle chinois mélanésien se referme définitivement aux portes de l’Australie », ajoute-il.
Le fait que la Nouvelle-Calédonie reste française contrecarre les ambitions de Pékin dans la région. « Il aurait fallu que la Nouvelle-Calédonie soit indépendante pour que la Chine puisse récupérer ses ressources et ses zones de pêche. Mais la France est encore là et elle ne compte pas lâcher la Nouvelle-Calédonie », affirme Nathalie Mrgudovic.
D’importantes ressources en nickel
D’autant que l’archipel est un territoire riche en nickel, un métal utilisé dans la fabrication d’acier inoxydable et de batteries électriques. Plus précisément, la Nouvelle-Calédonie possède environ 10 % des réserves mondiales de nickel, derrière l’Indonésie (21 %), l’Australie (20 %) et le Brésil (16 %), selon l’Institut d’études géologiques des États-Unis (USGS). Quatrième producteur mondial, l’archipel a exporté 8,1 millions de tonnes de minerai brut de nickel en 2020 vers la Chine, la Corée du Sud et le Japon. De quoi susciter encore un peu plus la convoitise de la Chine.
La victoire du « non » à l’indépendance sert les intérêts de la France et la période de transition qui s’est ouverte dimanche est déterminante pour la Nouvelle-Calédonie. Conformément aux accords de Nouméa, cette période de dialogue entre les indépendantistes et le gouvernement français doit conduire dans les 18 mois à l’élaboration d’un nouveau statut pour l’archipel. Mais alors que le ministre des Outre-Mer, Sébastien Lecornu, est arrivé sur place vendredi, le dialogue entre tous les acteurs s’annonce difficile.
Le FLNKS (regroupement de partis indépendantistes) et les nationalistes, qui ont boudé dimanche le scrutin qu’ils espéraient voir repoussé en 2022, ont annoncé ne pas reconnaître son résultat, qui « ne pourra pas constituer une base de discussion ». Ils ne souhaitent pas non plus discuter « avant la présidentielle » d’avril 2022. Ces désaccords pourraient avoir des retentissements au-delà des frontières de la Nouvelle-Calédonie, où le référendum a été scruté de près.
« Le fait que le gouvernement français ait refusé le report du référendum – et donc n’ait pas entendu la demande des indépendantistes – peut avoir un impact gênant dans la région. Les États mélanésiens voient dans cette décision un entêtement de la France qu’ils ont du mal à comprendre », explique Sarah Mohamed-Gaillard, qui souligne « un sentiment de solidarité entre ces États mélanésiens », unis par une même culture. Autrement dit, « la façon dont le gouvernement français a mené ce troisième référendum peut égratigner l’image de la France dans la région », abonde l’historienne.
À l’issue de la période de transition, la population néo-calédonienne pourrait être consultée à nouveau, mais cette fois sur le projet voulu pour la Nouvelle-Calédonie. « Cette nouvelle relation qui va se dessiner entre l’État français et la Nouvelle-Calédonie pourrait impliquer de renforcer le rôle et le pouvoir de représentation néo-calédonien au niveau diplomatique », affirme Nathalie Mrgudovic. Et la chercheuse d’ajouter : « La France apparaîtrait alors non pas comme une puissance administrative mais comme un partenaire de la Nouvelle-Calédonie, ce qui serait positif à la fois pour les territoires d’Outre-mer et pour l’image de la France à l’échelle internationale. »
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