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Référendum en Nouvelle-Calédonie : la question du corps électoral cristallise les débats

« Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ». Les électeurs de ce territoire d’outre-mer sont appelés à se prononcer dimanche, une troisième fois, sur l’accession à la pleine souveraineté de l’archipel. Un scrutin que les indépendantistes ont décidé de bouder alors que les deux précédents référendum organisés en 2018 et 2020 avaient été remportés par le camp loyaliste.

Observateurs de l’ONU, délégués de la commission de contrôle et renforts de la gendarmerie : tout est en place pour le troisième référendum d’autodétermination prévu dimanche 12 décembre en Nouvelle-Calédonie, que les indépendantistes ont décidé de bouder.

Les deux précédents référendum organisés dans le cadre de l’accord de Nouméa en 2018 et 2020 avaient été remportés par le camp loyaliste, mais avec un score en baisse passant de 56,7 % à 53,3 % de voix pour le non à l’indépendance.

Le territoire, qui avait réussi à échapper à l’épidémie de Covid-19 en fermant ses frontières début 2020, a été rattrapé par le virus en septembre, avec un bilan de 280 décès, touchant majoritairement les Kanak.

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Les indépendantistes ont demandé le report du scrutin en raison de l’impossibilité de « mener une campagne équitable » à cause de l’épidémie, ce qui a été refusé par le gouvernement, poussant le Front de Libération nationale kanake socialiste (FLNKS) à appeler ses militants à ne pas aller voter.

Mardi, le Conseil d’État a rejeté la demande d’un collectif de citoyens de reporter le référendum, estimant que le contexte sanitaire ne faisait « pas obstacle » au déroulement du scrutin.

De son côté, le Sénat coutumier, institution qui incarne le pouvoir traditionnel kanak, a demandé jeudi « aux citoyens kanak et aux progressistes calédoniens d’observer une journée nationale de ‘deuil kanak’ le 12 décembre 2021 en ne se rendant pas aux bureaux de vote ».

« Appel au calme »

Son président, Yvon Kona, a également lancé un « appel au calme, pour qu’il n’y ait pas de troubles : chacun est libre d’exercer son droit de vote, on n’empêchera personne de voter ».

Il répond ainsi à un appel du président de la commission de contrôle Francis Lamy, qui a demandé à ce qu’il n’y ait pas « de manifestations extérieures qui peuvent s’apparenter à une pression sur l’électeur, soit par exemple pour le dissuader d’aller voter, soit pour voter dans un certain sens ».

Les autorités ont déployé un important dispositif de sécurité, qui se veut « rassurant » et « dissuasif », de 2 000 gendarmes, policiers et militaires. À  trois jours du scrutin, ils avaient déjà pris place ostensiblement sur les ronds points et au bord des routes du caillou.

De son côté, le camp non indépendantiste a tenté de convaincre ses électeurs de se présenter devant les urnes mais certains dirigeants craignent « une participation en chute libre ».

« Il n’y a pas d’enjeu, le résultat ne fait pas l’ombre d’un doute », se désole Philippe Michel, directeur de la campagne du parti de centre droit, Calédonie Ensemble.

De son côté, la coalition loyaliste « Les voix du non » a lancé un appel au vote massif pour ne pas « se laisser voler le résultat », en rappelant « qu’une élection n’est jamais jouée d’avance ».

Un corps électoral restreint et ultra-sensible

Concrètement, le scrutin est réservé aux 185 004 électeurs inscrits sur la Liste électorale spéciale pour la consultation (LESC). Car la composition du corps électoral est historiquement un sujet très sensible en Nouvelle-Calédonie, où seuls les électeurs justifiant de certains critères pourront participer dimanche au troisième référendum sur l’indépendance.

Pour y figurer, il faut notamment justifier d’une résidence continue en Nouvelle-Calédonie depuis au moins le 31 décembre 1994, appartenir au statut civil coutumier kanak ou être né en Nouvelle-Calédonie et y avoir ses intérêts matériels et moraux.

En raison de ces critères, 35 275 électeurs de la liste électorale générale (LEG), valable pour les élections présidentielle, législatives, municipales et européennes, n’ont pas le droit de voter dimanche.

Il existe en Nouvelle-Calédonie un troisième corps électoral, destiné aux élections provinciales, dont les dernières de l’accord de Nouméa ont eu lieu en mai 2019. Lui aussi très encadré, il a pour principale condition d’être résident en Nouvelle-Calédonie depuis au moins le 8 novembre 1998.

Ces dispositions dérogatoires au droit français sont inscrites dans le titre XIII de la Constitution intitulé « dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie ». Ainsi après le référendum du 12 décembre, tout nouveau corps électoral restreint nécessitera une révision constitutionnelle.

Ce point ultra-sensible risque d’être au centre des négociations politiques qui s’engageront car les indépendantistes ont toujours reproché à la France d’avoir noyé leur revendication, sous des flux migratoires successifs.

Avec l’Algérie, la Nouvelle-Calédonie fût en effet la seule colonie de peuplement de l’Empire français.

Aux bagnards ont succédé les colons libres, les travailleurs engagés asiatiques, puis lors du boom du nickel des années 1970 les Métropolitains, les Tahitiens et les Wallisiens et Futuniens. Dans les années 2000, sous l’effet d’un second boom minier, plusieurs milliers de personnes sont également venues s’installer sur le Caillou.

Un phénomène qui s’est depuis retourné puisqu’au dernier recensement (2019), et pour la première fois depuis 1983, le solde migratoire de la Nouvelle-Calédonie était négatif (moins 10 300 habitants en 5 ans).

Avec AFP

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