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« Nous voulons retrouver nos familles tant qu’il est encore temps » : partout dans le monde, les enfants adoptés illégalement demandent justice

Par Anne-Françoise Hivert et Angeline Montoya

Publié aujourd’hui à 05h27, mis à jour à 05h27

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Enquête« Les filières de l’adoption internationale » (3/3). En Europe, aux Etats-Unis et ailleurs, les personnes adoptées à l’étranger ces dernières décennies luttent pour remonter le fil de leur histoire. Longtemps indifférents, certains pays doivent s’adapter et reconnaître leurs négligences passées.

Ils sont Belges, Français, Israéliens, Canadiens, Irlandais, Danois, Suédois… Des femmes, des hommes, tous nés au Guatemala, tous adoptés, porteurs d’une histoire personnelle tourmentée et d’une farouche volonté de « savoir ». Une fois devenus adultes, ils ont voulu partir en quête de leurs origines, et se sont heurtés au même mur : incohérences dans leurs dossiers, informations parcellaires…

Une fondation belge spécialisée dans ce type de démarches leur est alors venue en aide : Racines perdues. Et c’est ainsi que, depuis 2018, une quarantaine d’entre eux – sur plusieurs centaines – ont retrouvé leur famille biologique dans leur pays d’origine. La plupart ont alors découvert qu’ils n’avaient pas été abandonnés, comme on le leur avait toujours dit, mais volés ou vendus.

Mariela SR, devenue Coline Fanon après son adoption en Belgique en 1987, a pris la mesure de cette réalité en 2017. C’est à ce moment-là, à l’âge de 31 ans, qu’elle a décidé de porter plainte et de créer cette fondation. Bien sûr, elle savait que son cas n’était pas isolé, mais elle n’imaginait pas qu’ils se compteraient par dizaines de milliers dans le monde entier…

« J’ai d’abord découvert l’existence d’un trafic ahurissant au Guatemala, explique-t-elle. Puis je suis entrée en contact avec des organismes néerlandophones qui militaient depuis longtemps pour la reconnaissance des adoptions illégales, et j’ai pris conscience que cela concernait beaucoup d’autres pays. A Racines perdues, nous avons vite été dépassés face aux demandes. »

Chiliens, Maliens, Ethiopiens… « déplacés »

En Belgique, une réunion s’organise. Autour de Mariela SR, des adoptés en provenance de Bolivie, du Chili, d’Equateur, du Mali, d’Ethiopie, du Rwanda, du Congo… Depuis les années 1950, des centaines de milliers d’enfants d’Amérique latine, d’Asie, d’Afrique ont été déplacés vers les Etats-Unis, le Canada, l’Australie ou encore l’Europe, notamment la Suède.

Un quotidien de ce pays, Dagens Nyheter, a publié cette année des enquêtes montrant le caractère systémique de certaines irrégularités. L’un des journalistes, Patrik Lundberg, lui-même né en Corée du Sud en 1983, a découvert à 24 ans que ses parents biologiques n’avaient pas consenti, à l’époque, à son adoption. Lui aussi a d’abord cru être un cas particulier, avant de rencontrer d’autres victimes et de prendre la mesure du problème.

Le centre-ville d’Antigua au Guatemala, le 5 juin 2021. JEOFFREY GUILLEMARD POUR «LE MONDE»

Au début de ses recherches, Mariela SR était tombée sur le témoignage d’une artiste française, Carmen Maria Vega, qui a appris en 2011 avoir été volée, ainsi qu’elle le raconte dans son livre Le Chant du bouc (Flammarion, 2019). Les deux femmes font connaissance, et constatent qu’elles sont passées par la même filière, que les mêmes noms reviennent dans leurs dossiers. Elles engagent des poursuites. Plusieurs dizaines d’autres plaignants, belges et français, s’y associent. En 2019, le parquet fédéral juge les accusations suffisamment fondées pour ouvrir une enquête.

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