Le 7 décembre 1941, l’armée japonaise attaquait par surprise la base américaine de Pearl Harbor à Hawaï, faisant 2 400 morts et provoquant l’entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. Quatre-vingts ans plus tard, cette date est toujours très importante dans la mémoire collective américaine.
« J’ai atteint le pont du bateau et nos canons anti-aériens étaient en pleine action et tiraient très rapidement. (…). Je pouvais entendre des éclats d’obus ou des fragments siffler devant moi. Dès que j’ai atteint la première plate-forme, j’ai vu le sous-lieutenant Simensen allongé sur le dos avec du sang sur le devant de sa chemise. Je me suis penché vers lui, le prenant par les épaules, et je lui ai demandé s’il y avait quelque chose que je pouvais faire. Il était mort. »
Le 7 décembre 1941, le caporal E.C. Nightingale se trouve sur l’USS Arizona, dans la base américaine de Pearl Harbor située sur l’île d’Oahu – la troisième plus grande de l’archipel d’Hawaï, dans le Pacifique –, lorsque l’enfer s’abat sur lui. Alors que les tirs pleuvent autour de lui et qu’un incendie vient de se déclarer, ce soldat du corps des Marines essaye tant bien que mal de quitter son navire. « Il y avait des corps carbonisés partout. Je me suis dirigé vers le quai et j’ai commencé à enlever mes chaussures, quand soudain je me suis retrouvé à l’eau. Je pense que le choc d’une bombe m’y avait propulsé », avait-il raconté dans le livre du vice-amiral Homer N. Wallin intitulé « Pearl Harbor: why, how, fleet salvage, and final appraisal » et publié en 1968.
Le cuirassé USS Arizona en feu après l’attaque de Pearl Harbor. Son incendie dura trois jours. AP
Par miracle, le caporal réussit à survivre, contrairement à 1 177 autres marins de l’USS Arizona. Ce cuirassé fait partie de la flotte américaine visée par une attaque surprise de l’armée japonaise. En moins de deux heures, 2 403 soldats américains perdent la vie. Aux États-Unis, l’émotion est grande. Franklin D. Roosevelt engage dès le lendemain son pays dans la Seconde Guerre mondiale aux côtés des Alliés. « Hier, 7 décembre 1941 – une date qui restera à jamais marquée dans l’Histoire comme un jour d’infamie –, les États-Unis d’Amérique ont été attaqués délibérément par les forces navales et aériennes de l’empire du Japon. Les États-Unis étaient en paix avec le Japon et étaient même, à la demande de ce pays, en pourparlers avec son gouvernement et son empereur sur les conditions du maintien de la paix dans le Pacifique », déclare le 32e président américain lors d’un discours devant le Congrès.
Le président Franklin Roosevelt lors de son discours devant le Congrès américain, le 8 décembre 1941 à Washington. AP
Une rivalité régionale
Avant l’attaque, les rapports entre les deux pays étaient tendus, mais l’heure était encore à la diplomatie. « Ces relations de rivalité ont commencé à la fin du XIXe siècle », résume l’historienne Hélène Harter, auteure de « Pearl Harbor. 7 décembre 1941 » (éd. Tallandier). « Elles n’ont cessé de prospérer dans l’entre-deux-guerres sur fond de rivalité pour savoir qui était la puissance régionale organisatrice de la zone Asie-Pacifique. Elles vont particulièrement se dégrader entre 1939 et 1941 », précise cette spécialiste de l’histoire américaine, professeure à l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne
Dans les années 1930, le Japon, qui manque de ressources naturelles et a été frappé par la Grande Dépression, accélère sa politique expansionniste. Il envahit en 1931 la province chinoise de la Mandchourie, puis le reste du pays en 1937. Trois ans plus tard, il signe un pacte tripartite avec l’Allemagne et l’Italie, et intègre l’alliance militaire connue sous le nom d’ »Axe ». Les Américains décident alors de réagir. « Ils mettent en place un système de boycott sur un certain nombre de produits, notamment le pétrole. Il y a alors une accélération des tensions. À la veille de Pearl Harbor, les deux parties sont toutefois en train de négocier tout en sachant que finalement les deux camps n’arrivent pas à trouver de solution », décrit Hélène Harter.
Une cible idéale
États-Unis et Japon font face à une impasse. Alors que l’opinion américaine n’est pas prête, de son côté, à entrer en guerre, l’empire nippon décide, lui, de passer à l’offensive. « Les Japonais sont persuadés que s’ils veulent gagner la guerre à moyen ou long terme, ils doivent priver les Américains de leur force de combat en frappant fort et en faisant un maximum de dégâts », résume l’historienne. La cible est toute trouvée : Pearl Harbor, là où sont concentrées les forces navales américaines du Pacifique.
Comme l’explique à France 24 l’historien américain Craig Nelson, auteur de « Pearl Harbor, From Infamy to Greatness » (éd. Scribner, non traduit), la surprise est totale : « Les Japonais ont réussi à monter cette opération dans le plus grand secret. Les Américains ne pouvaient pas croire que le Japon serait capable d’accomplir une telle opération. À l’époque, le responsable des renseignements militaires en charge de l’Extrême-Orient était pourtant revenu à Washington en alertant sur la dangerosité des combattants japonais, mais on lui avait répondu : ‘Quoi ? Ces petites personnes rigolotes ?’ »
Le plan est un succès. L’assaut est lancé simultanément sur les deux bases aériennes et sur la rade de Pearl Harbor. Outre le lourd bilan humain, la flotte américaine est grandement endommagée. D’un point de vue tactique, les Japonais remportent une victoire. « Leur dernier succès militaire contre une grande puissance remontait à Tsushima en 1905, contre les Russes, mais à Pearl Harbor, il était encore plus important », souligne Craig Nelson. « Cette attaque a en effet détruit beaucoup de cuirassés, tout un appareil logistique d’intendance, des cales pour réparer les bateaux, des lieux pour stocker, et a mis hors de combat un certain nombre de soldats, mais ce n’est pas une victoire stratégique », tempère Hélène Harter.
Des avions américains détruits lors de l’attaque de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941. AP
Un tournant de la Seconde Guerre mondiale
Malgré les pertes, la base reste opérationnelle et l’armada japonaise n’a pas réussi à détruire les porte-avions qui patrouillaient au large. Mais l’effet est surtout ravageur. Cette attaque est perçue comme une traîtrise. En quelques heures, le peuple américain, isolationniste et qui garde en mémoire le souvenir de la Première Guerre mondiale et de ses soldats morts en Europe, change radicalement d’opinion. « Il veut se venger de cette attaque et aller jusqu’à la reddition sans condition du Japon. Il est désormais prêt à aller jusqu’au bout et à mettre tous les moyens dans la bataille », raconte l’historienne française.
Des Américains lisent les nouvelles concernant l’attaque de Pearl Harbor à Times Square à New York, le soir du 7 décembre 1941. AP – Robert Kradin
Cette date marque un tournant. Dans les heures qui suivent, le Royaume-Uni déclare à son tour la guerre au Japon, puis l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste en font de même contre les États-Unis. Le rapport des forces militaires dans le Pacifique, mais également en Europe, est bouleversé. Seize millions de combattants américains sont alors mobilisés. Un peu plus de 405 000 d’entre eux perdront la vie au cours de ce conflit dont les États-Unis sortiront victorieux.
Quatre-vingts ans plus tard, le souvenir du 7 décembre 1941 est toujours très présent. « Quand il y a eu les attaques du 11-Septembre, le premier parallèle fait l’a été avec Pearl Harbor. Si vous dites ce nom, il est rare de trouver un Américain qui ne sache pas de quoi on parle », estime Hélène Harter. S’il en fallait une preuve, le mémorial de Pearl Harbor est encore aujourd’hui l’un des lieux les plus visités des États-Unis. « Il a été construit juste au-dessus de l’épave du cuirassé Arizona, où reposent toujours les dépouilles des marins. Dans le même parcours mémoriel, vous avez aussi l’USS Missouri, le bâtiment sur lequel a été signé la reddition japonaise en 1945 dans la baie de Tokyo. C’est la force du symbole : à la fin, on a gagné. »
Le mémorial de l’USS Arizona, créé en 1962, est visité par plus d’un million de personnes chaque année. Il est accessible uniquement par bateau, puisqu’il chevauche (sans la toucher) la coque du cuirassé coulé. Caleb Jones, AP
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