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Le pape François à Lesbos : « Arrêtons ce naufrage de civilisation ! »

Le pape François lors de sa visite sur l’île de Lesbos en Grèce, dimanche 5 décembre. LOUISA GOULIAMAKI / AP

L’histoire ne pourra pas reprocher à ce pape-là de n’avoir pas parlé avec suffisamment de force contre ce qu’il a appelé vendredi « la guerre de ce temps », à savoir la question migratoire. Au deuxième jour de sa visite en Grèce, François s’est rendu, dimanche 5 décembre, dans l’île de Lesbos à la rencontre de réfugiés qui, à partir des côtes turques, cherchent à rejoindre un pays européen. Il y a prononcé d’une voix douce son discours sans doute le plus ardent, mais aussi le plus cinglant, en faveur d’un changement radical dans l’attitude des pays de l’Union européenne envers les migrants qui se présentent à sa porte. Car la politique actuelle visant à les empêcher d’entrer, a-t-il fulminé, constitue « un naufrage de civilisation ».

La tente sous laquelle l’attendent quelques dizaines de réfugiés du centre d’accueil et d’identification de Mavrovouni est posée à dix mètres de la grève de cette île grecque, face à la côte turque qui, bien qu’à quinze kilomètres, semble à portée de barque. Les alentours immédiats ont été recouverts de castine pour rendre le terrain accidenté plus accessible. Autour sont alignés tentes et containers dans lesquels s’entassent quelque 2 200 personnes, dont près de 30 % d’enfants. Quelques-uns sont scolarisés dans les écoles grecques de Mytilène, les autres n’ont accès qu’à une « éducation informelle », explique Angeliki, 28 ans, une employée de l’organisation humanitaire catholique Caritas Hellas qui travaille dans le camp. « Il y a une majorité d’Afghans, de Somalien, de Congolais et de Syriens », détaille-t-elle. Parmi les pays où voudraient se rendre ces demandeurs d’asile, « l’Allemagne est la plus populaire », indique la jeune femme.

Devant cette petite assistance, et après avoir sillonné le camp au plus proche de ses habitants, la philippique du pape François s’est développée sur plusieurs registres. En citant à deux reprises Eie Wiesel, le pape s’est d’abord placé sur un plan moral pour demander le réveil des « cœurs sourds aux besoins des autres ». « Surmontons la paralysie de la peur, l’indifférence qui tue, le désintérêt cynique qui, avec ses gants de velours, condamne à mort ceux qui sont en marge !, a-t-il lancé. Luttons à la racine contre cette pensée dominante, cette pensée qui se concentre sur son propre moi, sur les égoïsmes personnels et nationaux. » Comme il y a cinq ans, lorsqu’il s’était rendu une première fois sur l’île de Lesbos, le pontife a insisté sur les personnes qui se trouvent derrière le vocable globalisant de migrant. « Regardons le visage des enfants, a-t-il demandé. Ayons le courage d’éprouver de la honte devant eux, qui sont innocents et représentent l’avenir. (…) Ne fuyons pas trop vite les images crues des petits corps gisants sur les plages. »

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