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En Bolivie, la grande marche indigène se termine dans l’indifférence

La marche indigène arrive à Santa Cruz, en Bolivie, le 16 octobre 2019. AIZAR RALDES / AFP

Il flotte un air de lassitude. Celle qui gagne ceux qui ont espéré exposer leurs doléances au sommet de l’Etat, qui ont attendu des semaines, et qui ont échoué. Pendant soixante-deux jours, des centaines d’Amérindiens originaires d’Amazonie, de l’Orient et du Chaco bolivien, représentant les 34 ethnies des basses terres – parmi elles des Yuracaré, Guarani, Moxeño – ont campé dans le vaste stade de l’Université Gabriel René Moreno, à Santa Cruz, dans l’est du pays.

« J’ai tout laissé derrière moi, mes fils sont restés seuls, car il faut lutter pour notre territoire », affirme Benedicta Noto Mae, mère de deux garçons, tandis qu’elle cuisine sur un réchaud, devant sa tente. Elle a parcouru 500 kilomètres à pied depuis son village de San Lorenzo, dans le département du Beni. Après trente-sept jours de marche, le cortège est arrivé le 1er décembre dans la ville de Santa Cruz, bastion de l’opposition au gouvernement de gauche de Luis Arce, élu en octobre 2020. Une façon de s’opposer au centralisme de La Paz, siège des institutions gouvernementales, qui se trouve à 800 kilomètres de là.

Trente et un ans après la première marche historique des Amérindiens « pour le territoire et la dignité », en 1990, cette 11e marche était, une fois de plus, pour la défense du territoire. Les marcheurs dénoncent la recrudescence des invasions, aux multiples visages : agrobusiness, culture de la feuille de coca, projets d’extractions miniers, de gaz ou de pétrole. Leurs territoires sont assujettis avec, selon eux, la complicité du gouvernement.

« Offensive des colons vers les terres orientales »

Celui-ci a tenté d’envoyer des émissaires. Il s’est heurté à un refus catégorique. Les dirigeants autochtones exigeaient une rencontre avec le président Arce en personne. Comme pour dire que l’heure est grave, et qu’aucune autre autorité ne pourrait répondre à leurs revendications.

Parmi elles, l’abrogation de 14 lois jugées « écocides ». En particulier les « décrets incendiaires » qui, selon Miguel Angel Valdivia, jeune guarani et secrétaire général du Parlement, « ouvrent la voie libre à l’expansion de la frontière agricole », en autorisant notamment le brûlis. Sa pratique incontrôlée avait généré l’incendie et la déforestation, en 2019, d’1,5 million d’hectares dans la Chiquitanie, une des plus grandes forêts sèches du monde, régulièrement dévastée par le feu.

Allongée devant sa tente, Ester Arteaga, originaire de la Chiquitanie, accuse : « Nous faisons face à l’offensive des colons vers les terres orientales. Ce sont des paysans, des entreprises brésiliennes, des mennonites [culte chrétien traditionaliste, issu de la Réforme protestante]. Et l’INRA [Institut national de réforme agraire] leur octroie des titres de propriété pour s’installer. Nous, nous devons marcher pour qu’on daigne nous reconnaître des droits fonciers », affirme la jeune femme.

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