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Après la COP26, la Côte d’Ivoire abandonne son projet de centrale à charbon à San Pedro

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Le militant écologiste César Kouakou (à gauche, ici en décembre 2019) et le planteur Dominique Bi Irié font le tour des parcelles concernées par l’ancien projet d’usine à charbon près de la zone industrielle de San Pedro qui pourrait être remplacée par une centrale à gaz. Le planteur devrait perdre toutes ses terres. YOUENN GOURLAY

C’était l’un des derniers grands projets liés au charbon en Afrique. Mais la centrale de San Pedro, dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire, pourrait bien ne jamais voir le jour. Cet abandon devrait être officialisé dans un document attendu qui doit être publié de façon imminente : la Contribution déterminée au niveau national (CDN), ce plan étatique non contraignant listant les actions climatiques à venir d’ici à 2030 et réclamé à tous les pays signataires de l’Accord de Paris.

L’information avait déjà été rendue publique le 18 novembre lors des débats parlementaires autour du prochain budget. Interpellé sur le projet de San Pedro, le ministre de l’environnement Jean-Luc Assi avait indiqué que le gouvernement renonçait à la construction de cette centrale.

« Une très bonne nouvelle », pour le député de l’opposition Jean Gervais Tchéidé, membre de la commission chargée des questions environnementales à l’Assemblée nationale, qui dit attendre davantage d’explications de la part du gouvernement : « Maintenant, il faut en parler aux populations et rendre cela plus concret. »

Parmi les défenseurs de l’environnement, certains redoutent aussi une stratégie de communication « post-COP26 », la conférence internationale sur le climat qui s’est tenue à Glasgow début novembre. Lors de l’événement, le ministre Jean-Luc Assi avait évoqué la nécessité d’un « retrait du charbon », sans plus de précisions.

« Dangereux pour les populations »

« Il y a des phrases prononcées, mais pas de document clair. Il faut que le ministère de l’énergie publie aussi quelque chose pour nous rassurer », réclame Ange David Baimey, militant et expert en changement climatique.

Combattu sans relâche depuis cinq ans par les activistes du climat, le projet de San Pedro aurait dû voir le jour en 2024. Avec une capacité de 700 mégawatts, cette centrale thermique était censée approvisionner en électricité les nombreuses infrastructures industrielles de San Pedro ainsi qu’une grande partie de la Côte d’Ivoire. Elle aurait dû être construite par l’entreprise chinoise PowerChina et exploitée par la société ivoirienne S.Energies.

A Kablaké 1 et Kablaké 2 (ici, en décembre 2019), la société ivoirienne S.Energies, qui devait exploiter la centrale à charbon, a donné des kits scolaires et des pompes à eau aux habitants dans le cadre de son projet dénommé Broto IPP. YOUENN GOURLAY

Cette filiale de la holding ivoirienne Snedai assurait que la centrale serait « moderne et verte », au grand dam des écologistes dénonçant un projet « d’un autre temps » et « dangereux pour les populations ». Début 2020, le ministre maire de San Pedro, Félix Anoblé, affirmait au Monde Afrique ne pas vouloir « bloquer le développement sous le prétexte et la peur de la protection totale de l’environnement ». Ses promoteurs vantaient un projet peu coûteux pour le contribuable et riche en emplois.

Aujourd’hui, le ton a bien changé au sein des autorités. « Le charbon ne fait plus partie du mix énergétique, souligne Gustave Aboua Aboua, directeur général du développement durable au sein du ministère de l’environnement et membre de la délégation ivoirienne à Glasgow. Il y a eu des pressions, une forte opposition de la part du ministère de l’énergie, mais on a bataillé et ils ont compris. »

Solaire, éolien, géothermie, biomasse

Pour expliquer ce revirement, le responsable fait valoir que la Côte d’Ivoire ne dispose pas de la matière première : le charbon devait être importé de Colombie et d’Afrique du Sud, ce qui constituait un coût écologique important.

« De plus, nous ne savons pas comment traiter les déchets qui vont impacter la zone autour de San Pedro, ce n’est pas du tout rentable de s’engager sur cette voie, poursuit le directeur général. On préfère miser sur les énergies renouvelables : le solaire, l’éolien, la géothermie, la biomasse. » Le ministre a annoncé vouloir atteindre « 45 % du mix énergétique » grâce aux énergies vertes.

A Glasgow, il a également indiqué que la Côte d’Ivoire se fixait désormais un objectif de réduction des gaz à effet de serre d’un peu plus de 30 % d’ici à 2030, et non plus seulement de 28 % comme annoncé plus tôt, notamment grâce au retrait du combustible noir.

Au sein du ministère, on assure que l’abandon du charbon a été décrété avant la découverte de vastes réserves de pétrole et de gaz naturel au large des côtes ivoiriennes, annoncée début septembre. « Est-ce que l’engagement de se retirer du charbon aurait été pris sans ce gisement de pétrole ?, interroge pourtant le politologue Sylvain N’Guessan. Avec ces découvertes, c’est plus facile de tendre vers l’autonomie énergétique. En se retirant du charbon, la Côte d’Ivoire soigne son image à l’international et fait d’une pierre deux coups. »

Pour une centrale à gaz

En outre, malgré la volonté répétée de développer les énergies renouvelables, la décision a été prise de remplacer la centrale à charbon par une centrale à gaz, sur le même modèle que celle de la zone industrielle d’Azito à Yopougon.

« C’est presque le même projet, indique un cadre de la Snedai sous le couvert de l’anonymat, alors que cette dernière information n’a pas encore été rendue publique. Il y aura bien une centrale au même endroit, sauf qu’il s’agit d’une centrale à gaz à cycle combiné. Avec tout ce qui se passe au niveau mondial, la pression de la COP26, nous allons vers un autre combustible. Le principal c’est qu’on puisse produire de l’énergie en limitant l’impact sur l’environnement. » Une centrale bien moins coûteuse que la précédente, le gaz étant produit en Côte d’Ivoire.

Cette nouvelle infrastructure pourrait voir le jour en « 2025 ou 2026 », estime le cadre. Avant la COP26, la Chine s’était déjà engagée à ne plus financer de projet charbon à l’étranger. L’Etat ivoirien et PowerChina, l’entreprise chinoise qui devait débourser plus d’un milliard d’euros pour la centrale de San Pedro, « n’ont plus d’engagement ferme ensemble », confirme le responsable de la Snedai, indiquant que le groupe est à la recherche de nouveaux partenaires.

« Si l’Etat décide de construire une centrale à gaz, ce n’est pas une bonne nouvelle, peste Ange David Baimey. Cela reste une source de pollution importante. » Le combat des écologistes n’est pas terminé.

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