C’est une première mondiale qui a été discrètement célébrée, samedi 27 novembre, dans une salle du Parlement de La Haye. Une ministre néerlandaise a officiellement présenté des excuses à la communauté trans pour les souffrances qu’elle a subies du fait de dispositions légales. Ingrid van Engelshoven, membre du parti réformateur D66 et ministre de l’éducation et de la culture dans le gouvernement démissionnaire de Mark Rutte, souhaite ainsi effacer le triste souvenir d’une loi adoptée en 1985 et visant à permettre le changement de sexe d’une personne.
Vue par beaucoup comme une disposition émancipatrice pour les personnes que l’on appelait à l’époque « transsexuelles », cette loi a, en réalité, provoqué des drames en raison des conditions qu’elle fixait. Même si elles ont enregistré avec satisfaction les excuses de la ministre, les personnes transgenres réclament aujourd’hui davantage.
La transgenderwet (« loi transgenre ») légalisait le changement de sexe à condition que la personne à l’origine de la demande suive un traitement hormonal et des opérations chirurgicales, afin de modifier au maximum son apparence physique, et qu’elle soit stérilisée de manière permanente et irréversible. Jusqu’en 2001, le tout se doublait de l’obligation de se séparer de son ou de sa partenaire. En échange, on promettait une modification des documents officiels.
Les personnes transgenres étaient donc obligées, soit de se soumettre à des dispositions les forçant, notamment, à renoncer à leur désir d’enfant, soit d’assumer un statut ne correspondant pas à leur identité sexuelle. Cela pouvait les amener à faire face à du personnel médical refusant de les soigner ou à des juges n’acceptant pas de les entendre, parce que leur prénom ne correspondait pas à leur identité « officielle ».
Atteintes à l’intégrité physique
« Suspendues entre deux mondes », selon les mots de l’Organisation néerlandaise pour la diversité sexuelle, ces personnes souvent vulnérables ont vu leur situation s’aggraver : on estime aujourd’hui qu’un tiers des personnes trans néerlandaises vivent sous le seuil de pauvreté et qu’elles risquent quatre fois plus que la moyenne de se retrouver au chômage, notamment en raison des réticences des employeurs.
Si, au début des années 2000, plusieurs pays européens ont expurgé leurs législations des exigences d’ordre chirurgical et hormonal, les Pays-Bas ont attendu 2014 (deux ans avant la France) pour céder aux appels d’organisations comme Human Rights Watch, qui dénonçaient des atteintes à la vie privée, à l’intégrité physique et au droit de fonder une famille. Le texte stipulait que l’avis d’un médecin suffirait désormais pour permettre un changement de genre, et supprimait l’obligation de stérilisation. Il prévoyait également une indemnisation de 5 000 euros pour les personnes trans qui s’étaient soumises à la loi – un montant jugé « ridicule » par les associations. En 2019, la législation sur les discriminations a été complétée par un amendement punissant les atteintes aux droits des personnes trans.
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