L’« expérience Draghi » a commencé comme un grand classique du parlementarisme italien. Face à un blocage institutionnel survenant en pleine situation de crise, au cœur de la pandémie de Covid-19, le président de la République constate l’absence de solution classique et convoque une figure apolitique, placée au-dessus des partis, pour sortir le pays de l’ornière. Après Carlo Azeglio Ciampi (1920-2016) en 1993, Lamberto Dini en 1995 et Mario Monti en 2011, c’est l’ancien gouverneur de la Banque d’Italie et ancien président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi que le président Sergio Mattarella a chargé de constituer un gouvernement, le 2 février.
Avec ses devanciers, Mario Draghi, diplômé du Massachusetts Institute of Technology (MIT), partage un profil d’économiste de haute volée et une solide légitimité aux yeux des milieux d’affaires, y compris à l’international. Mais les comparaisons s’arrêtent là. Car les circonstances sont tout autres. Là où ses prédécesseurs avaient pour mission première de rassurer les investisseurs et de contrôler les déficits, l’ancien banquier central a été choisi pour sa capacité supposée à répondre au défi inverse : celui de dépenser de la façon la plus efficace qui soit la manne de 191,5 milliards d’euros affectée au pays au titre du plan de relance européen décidé à l’été 2020, après l’éclatement de la pandémie de Covid-19.
Après trois décennies de sous-investissement public causé par les cures d’austérité à répétition, l’Italie voit arriver une occasion en or d’inverser la tendance, et il s’agit de ne surtout pas passer à côté. Tel est le mandat qui a été confié à Mario Draghi par la quasi-totalité des forces politiques du pays – exception faite des souverainistes de Fratelli d’Italia.
134 investissements et 63 réformes dans un premier temps
Pour consolider ce très large socle, l’ancien président de la BCE a constitué un gouvernement incluant des responsables politiques de tout bord, y compris issus de la Ligue de Matteo Salvini (extrême droite). Cependant, ce sont des profils plus « techniques » qui ont été choisis pour occuper les postes directement concernés par l’affectation des fonds européens. Daniele Franco, ancien de la Banque d’Italie (ministre de l’économie et finances), Vittorio Colao, PDG de Vodafone entre 2008 et 2018 (innovation et transition numérique), ou le physicien Roberto Cingolani (transition écologique) sont ainsi en première ligne sur ces dossiers, et ils ne répondent qu’à Mario Draghi.
Les ministres « politiques » sont contraints d’accepter cet état de fait, avec plus ou moins de bonne grâce. En coulisse, les responsables de la Ligue de Matteo Salvini peuvent se plaindre de ne pas être associés aux décisions et de devoir avaliser en conseil des ministres des décisions dont ils ont à peine eu le temps de prendre connaissance, mais ils n’ont guère le choix. Car, depuis son arrivée, Mario Draghi a un objectif : aller vite. Très vite. Il agit par décret ministériel, afin d’éviter de longs débats parlementaires et mettre en œuvre son Piano Nazionale di Ripresa e Resilienza (PNRR), sans perdre une minute. Celui-ci prévoit, dans sa première phrase, 134 investissements et 63 réformes visant à moderniser la Péninsule avec les 191,5 milliards de l’Europe. Cela, en ciblant les points de blocage de l’économie.
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