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Iran : l’assèchement d’une rivière provoque manifestations et heurts

Des agriculteurs assistent, à Ispahan, à une manifestation exigeant que les autorités ouvrent un barrage pour soulager les zones touchées par la sécheresse de cette province centrale d’Iran, le 19 novembre 2021. HAMIDREZA NIKOOMARAM / AP

Depuis plus de deux semaines, des manifestations sont organisées par des habitants d’Ispahan qui se plaignent de la terrible sécheresse, et qui reprochent aux autorités de détourner l’eau de la rivière Zayandeh Rud de cette ville du centre du pays, – à 400 km au sud de Téhéran –, pour approvisionner la province voisine de Yazd qui manque aussi cruellement d’eau.

Pour la première fois vendredi 26 novembre, la manifestation s’est accompagnée de heurts entre forces de l’ordre et protestataires. Nourodin Soltanian, porte-parole de l’hôpital universitaire d’Ispahan, cité samedi par l’agence de presse Mehr, a fait état de manifestants blessés, dont « deux dans un état grave ».

« Nous avons arrêté 67 des principaux auteurs et fauteurs de troubles », a déclaré de son côté un haut responsable de la police nationale, le général Hassan Karami, à l’agence de presse Fars. Il a fait état d’« environ 2 000 à 3 000 émeutiers dans les troubles de vendredi ». Les arrestations ont été menées par la police, les gardiens de la révolution, l’armée idéologique de la République islamique d’Iran et les services de renseignements.

Grenades lacrymogènes contre jets de pierres

Samedi, la ville d’Ispahan était calme selon des témoins et la police antiémeute y était déployée. « J’ai l’habitude de me promener dans le lit de la rivière avec des amies mais aujourd’hui la police antiémeute est déployée en grand nombre près du pont Khadjou et elle demande aux habitants d’éviter ce secteur », a déclaré une quinquagénaire jointe par téléphone.

Vendredi, « après le départ des agriculteurs [du point de rassemblement], des opportunistes et des contre-révolutionnaires sont restés sur place », a affirmé le chef de la police d’Ispahan, Mohammad-Réza Mirheidari. Les services de sécurité ont « pu identifier et arrêter les personnes ayant détruit des biens publics ».

La police a tiré des grenades lacrymogènes sur les protestataires qui ont riposté avec des jets de pierres, brisant les vitres d’une ambulance et incendié une moto de police, selon l’agence de presse Fars.

« En raison des jets de pierres et de l’utilisation de pétards et de bombes assourdissantes, certains de nos collègues ont été blessés. D’autres l’ont été par des tirs de fusils de chasse », a ajouté M. Mirheidari à la télévision. « Un policier a également été poignardé mais son état est satisfaisant », a-t-il encore dit.

Une rivière à sec depuis 2000

La rivière Zayandeh Rud, qui traverse Ispahan, est à sec depuis 2000, sauf pour quelques brèves périodes. Elle est devenue le principal lieu de rassemblement des manifestants. Selon M. Karami, « 30 000 à 40 000 agriculteurs et des habitants d’Ispahan ont participé aux rassemblements la semaine dernière ».

Samedi, le journal ultraconservateur Kayhan a accusé « des voyous mercenaires d’avoir déclenché des émeutes » à Ispahan. En revanche, le journal réformateur Etemad a vu dans ces rassemblements le signe d’un « manque de confiance des manifestants à l’égard du gouvernement pour résoudre les problèmes ».

Les Etats-Unis, ennemi juré de l’Iran, se sont eux déclarés « profondément inquiets » de la « répression violente » contre des manifestants « pacifiques » à Ispahan, selon les termes du département d’Etat. « Le peuple iranien a le droit d’exprimer sa frustration et de tenir son gouvernement pour responsable ».

Jeudi, un accord a été conclu entre les agriculteurs de la région d’Ispahan et les autorités sur la distribution de 50 millions de mètres cubes d’eau, selon Fars. D’après cette agence, une canalisation acheminant l’eau de la province d’Ispahan vers Yazd a été détruite, jeudi soir, par un bulldozer, ainsi que trois réservoirs d’eau. En conséquence, l’eau potable dans des localités de Yazd a été coupée.

Pays aride, l’Iran connaît une sécheresse chronique depuis des années, avec pour conséquences des inondations régulières provoquées par la combinaison du durcissement des sols et de précipitations plus ou moins violentes.

La rivière Zayandeh Rud est réduite à un filet d’eau parsemé de joncs. « Avant qu’ils ne détournent l’eau vers Yazd, il y a quinze ans, nous cultivions des arbres fruitiers. Nous exportions des concombres, des poivrons, des tomates vers la Russie et l’Irak, se souvient Ahmed. Ce temps est révolu ! » MARYAM RAHMANIAN POUR « LE MONDE »

Les pédalos, très prisés des visiteurs du site, restent parqués sur la terre sèche du lit de la rivière Zayandeh Rud, à Ispahan. Maryam Rahmanian pour « Le Monde »

En 2017, Ahmed a passé un mois en prison après avoir participé à une manifestation. Cela n’a pas entamé sa détermination. « Ils ont vendu notre eau et, maintenant, ils nous disent de prier pour qu’il pleuve ! », ironise-t-il. Ziar, province d’Ispahan. MARYAM RAHMANIAN POUR  » LE MONDE « 

En 2017, Ahmed a passé un mois en prison après avoir participé à une manifestation. L’un de ses amis vient d’être libéré, après deux mois au trou. « La Sécurité n’arrête plus les gens dans les manifestations. Ils laissent faire, puis procèdent aux arrestations dans les maisons, la nuit. » Maryam Rahmanian pour « Le Monde »

Dans le village de Ziar, dans la province Isphan.La répression s’abat aujourd’hui sur toutes sortes de revendications politiques. Des jeunes femmes qui s’étaient montrées, tête nue, en public,  ont écopé récemment de peines sévères, les agricuteurs en colère.Mais l’Etat est bien forcé de tolérer, un peu de désordre. C’est le cas dans les alentours du village de Ziar, à une trentaine de kilomètres à l’est d’Ispahan, où les manifestations s’enchaînent depuis l’automne 2017. Maryam Rahmanian pour « Le Monde »

Mohammad Reza a 10 ans. Il cueille les aubergines dans le bout de jardin cultivé, à Ziar. Les agriculteurs de la région manifestent régulièrement pour protester contre les mauvais choix politiques et les conséquences de le sécheresse. Maryam Rahmanian pour « Le Monde »

Un troupeau de mouton traverse une ancienne terre cultivée maintenant asséchée dans le village d’Ashkavand, dans la province d’Ispahan. Maryam Rahmanian pour « Le Monde »

Dans la région de Ziar à proximité de Ispahan, une terre qui était un champs de concombre. MARYAM RAHMANIAN POUR « LE MONDE »

Dans le lit vide de la rivière Zayandeh Rud Maryam Rahmanian pour « Le Monde »

Sur le pont de Si-o-seh Pol à Ispahan. MARYAM RAHMANIAN POUR « LE MONDE »

Une vue générale de la rivière Zayandeh Rud asséchée, à Ziar. Maryam Rahmanian pour « Le Monde »

Le bazar d’ispahan, où les Iraniens continue tant bien que mal à s’approvisionner. Maryam Rahmanian pour « Le Monde »

Un vendeur de tapis devant sa boutique à Ispahan . Maryam Rahmanian pour « Le Monde »

Une boutique d’épices dans le bazar d’Ispahan. Maryam Rahmanian pour « Le Monde »

La place Naghsh-e Jahan, dans le centre historique de la ville d’Ispahan, en Iran, est une des plus grandes places du monde et un des principaux sites touristiques et historiques du pays. Maryam Rahmanian pour « Le Monde »

Ahmad, 28 ans, fume la chicha sur la place Naghsh-e Jahan, dans le centre historique d’Ispahan, le 25 octobre 2018. Maryam Rahmanian pour « Le Monde »

Le Monde avec AFP

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