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Migrants dans la Manche : « purs calculs électoraux », « furie » de la France… la presse britannique divisée après le drame

La mort, le 24 novembre, de 27 personnes tentant de rejoindre le Royaume-Uni a déclenché une crise diplomatique entre Londres et Paris, s’attribuant mutuellement la responsabilité du drame et de la situation des migrants à Calais. RAFAEL YAGHOBZADEH / AP

Le tragique accident, qui a coûté la vie, mercredi 24 novembre, à 27 migrants lors de leur traversée de la Manche vers les côtes du Royaume-Uni, déchire les relations entre Londres et Paris, qui s’imputent mutuellement la responsabilité du drame. La tension est montée d’un cran, vendredi 26 novembre, après que le premier ministre britannique, Boris Johnson, a rendu publique une lettre adressée à Emmanuel Macron, dans laquelle il demande notamment que les immigrés arrivant au Royaume-Uni soient renvoyés en France.

Dénonçant autant le fond que la forme de ce courrier, le ministre de l’intérieur français, Gérald Darmanin, a supprimé l’invitation à une réunion internationale sur les migrants de son homologue britannique, Priti Patel. L’événement aura bien lieu, mais en présence uniquement des ministres belge, allemand et néerlandais, ainsi que de la Commission européenne.

C’est cette dernière information qui figurait, vendredi, à la « une » des principaux titres de la presse britannique, entre un sobre « Priti Patel désinvitée » du quotidien de centre gauche The Guardian et la « fureur » de Gérald Darmanin sur le site du tabloïd The Sun. Le média proeuropéen The Independent consacrait, lui, un long article à ce sujet, relatant notamment les dires du travailliste Nick Thomas-Symonds qui estime que la publication de la lettre de M. Johnson était « clairement une énorme erreur ».

La presse progressiste houspille le gouvernement britannique

Une partie de la presse britannique est très remontée, appelant le gouvernement du Royaume-Uni à changer sa politique migratoire. The Guardian mettait ainsi en lumière, jeudi 25 novembre, une tribune signée du patron de l’ONG Refugee Council, Enver Solomon, titrée « Les terribles morts dans la Manche montrent que le Royaume-Uni a besoin d’une politique d’asile plus humaine ». M. Solomon y accuse notamment le gouvernement de Boris Johnson d’avoir « choisi de parler et d’agir durement, en adoptant une position sans compromis » plutôt que de « montrer compassion, humanité et compréhension ».

Dans un autre article, deux journalistes du Guardian s’emploient à expliquer que la situation est « plus complexe » que les accusations britanniques envers la France de « ne pas en faire assez ». Et d’estimer que « politique, sécurité et répression uniquement ne pourront pas résoudre le problème des réfugiés risquant leur vie pour trouver l’asile au Royaume-Uni ». Dissertant sur la même idée, le journal centriste The Economist estime que l’accident « expose comment le Royaume-Uni échoue dans sa gestion des migrants ».

Surtout, « réduire le nombre de morts va nécessiter de la coopération entre le Royaume-Uni et la France », écrit le média économique. « Les migrants qui atteignent la Grande-Bretagne ont le droit de demander l’asile », poursuit-il, regrettant que « les noyades [aient] mis en lumière le coût humain de ce qui n’a été discuté jusqu’ici qu’en termes de purs calculs électoraux ».

Conséquence « de l’échec de la police française »

Si ces médias ont tendance à pointer la responsabilité britannique dans l’actuelle crise diplomatique et migratoire, d’autres, plus conservateurs, se rangent du côté du gouvernement. The Sun – critiqué pour sa couverture sensationnaliste de l’actualité – relayait jeudi une tribune du député conservateur Tim Loughton, imputant toute la responsabilité du drame à la France et à sa police.

« La triste vérité, selon moi, est que nous avons besoin aujourd’hui de tout un tas d’équipements [pour empêcher les migrants d’accoster au Royaume-Uni], à cause de l’échec de la police française quant au contrôle de sa côte », assène le député, soutenant la proposition de M. Johnson d’envoyer des gardes-frontières britanniques empêcher les départs sur les plages françaises.

THE SUN: Shameful #TomorrowsPapersToday https://t.co/InxS4IJVIa

— hendopolis (@Neil Henderson)

Le média avait également créé la polémique, jeudi, en publiant à sa « une » la photographie d’un véhicule de policiers français regardant, sans agir, des migrants mettre à l’eau leur bateau de fortune. L’image se voulait être une preuve que les forces de l’ordre françaises ne font pas « tout leur possible » pour empêcher les migrants de prendre la mer vers le Royaume-Uni. The Guardian a expliqué que la voiture sur la photo avait toutefois bien tourné autour des migrants, comme le relate l’agence Reuters. « Une femme tenant un bébé dans les bras s’est plantée devant le véhicule en hurlant. La voiture de police s’est arrêtée », précise l’agence. Une information confirmée à Libération par la préfecture du Pas-de-Calais – où la photo a été prise – qui explique que les risques liés à « la présence d’enfants (…) ont amené [les policiers] à reconsidérer une intervention ».

De la même manière, le conservateur Daily Mail estime que Paris a agi vendredi comme un enfant mécontent en excluant Londres de la réunion prévue dimanche. Le tabloïd utilise l’expression idiomatique « throw your toys out of the pram » (littéralement « jeter vos jouets hors du landau ») pour qualifier la riposte française à la lettre publique de Boris Johnson, document que le journal qualifie de « plan pour éviter une nouvelle tragédie dans la Manche ».

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